Rome, veille des calendes d'Octobre, 1ère heure de la nuit Sylla et Pompeius Rufus restèrent seuls un long moment au sommet du Capitole. Alors que la nuit était tombée, Basilus vint faire son rapport. B (gêné): Excuses-moi imperator, mais certains de nos légionnaires commencent à piller des temples le long de la Voie Sacrée… Le Premier consul avait encore le visage baigné de larmes. L'intervention de Basilus le tira de sa rêverie. LS (en colère): Qui ose piller Rome?!! Fait rassembler toutes les troupes et arrête-moi ces voyous! J'arrive. Basilus s'exécuta rapidement. Sylla se releva et commença à se diriger vers Pompeius lorsqu'il entendit une voix à côté de lui. Le prophète: Je te salue, ô Sol Invictus, Imperator des flammes et du sang! Apollon - Sol Invictus LS: Ah, c'est toi vieux fou! Sylla connaissait bien le vieil illuminé qui arpentait les forums et les temples de Rome depuis plusieurs années. On le laissait parler car, parfois, ce qu'il prédisait arrivait réellement. Ainsi, dès le début de la Guerre Sociale, il avait prophétisé que Rome vaincrait par l'épée d'Apollon. Sylla, qui avait les cheveux blonds-or comme le dieu, avait compris que ce message lui était personnellement destiné. Depuis, il veillait à ce que le vieux prophète ne manque de rien. LS (intrigué): Pourquoi "Soleil invincible"? Le prophète (renfrogné): J'ai prévenu Marius que Jupiter allait être vaincu par Apollon mais il n'a pas voulu m'écouter. LS (riant): La Vieille mule entêtée n'écoute jamais personne! Tu n'as pas répondu à ma question. Le prophète: Parce que, dans les rues de Rome, j'ai entendu Apollon crier "Roma invicta" et ensuite, il s'est élevé jusqu'au Capitole. LS (intrigué): Et? Le prophète: Et alors, je préfère dire "Sol Invictus" à "Apollon invincible", car consul, je te vois t'élever plus haut encore. Sylla était troublé et voulait en savoir plus. LS: Quoi? Roi de Rome? Le prophète (prenant la main de Sylla): Plus haut encore, mais… tu as les mains tachées de sang Imperator. Ton règne sera sanglant… rempli de cris et de larmes… et pourtant, il sera aussi brillant que le soleil… Mais un soleil de flammes rouge sang! Malgré lui, Sylla frissonna: "Charmant programme…" En s'éloignant, le prophète ajouta: "Contemple ton empire Imperator! Du haut de ton temple, je ne vois que des flammes et du sang!" Effectivement, la place du Capitole était jonchée des cadavres de l'Anti-Sénat et éclairée par plusieurs hauts flambeaux installés là par les légionnaires. Sylla regarda le prophète s'éloigner, puis il vit son collègue qui se tenait toujours prostré près des remparts. LS (tendant sa main): Vient Pompeius, nous avons beaucoup à faire cette nuit. Le Forum, 2ème heure de la nuit Le second consul se releva et tous deux descendirent la Voie sacrée rougie par le sang de l'Anti-Sénat. Arrivés sur le Forum, les cinq légions étaient là au grand complet. Dans un coin, une petite troupe tenue en respect par des lances. Sylla et Pompeius vinrent se poster sur les Rostres avec leur état major. L'imperator fit avancer les pilleurs. LS (s'adressant à toute la légion): Il me semble vous avoir dit à tous ce matin que je ne tolérerais aucun pillage! Vous êtes des soldats de la République, vous devez respecter la République!!! Ceux qui ont osé piller les temples de la Voie Sacrée ont commis un crime intolérable contre les dieux et contre la République! En conséquence de quoi je les condamne tous à mort!!! Qu'on les exécute sur le champ! Du sang sur la Voie sacrée Devant les rostres, le centurion primipile Bellienus veilla à exécuter promptement les ordres de son général. Les prétoriens passèrent ainsi par les armes une soixantaine de légionnaires. Dans les rangs, pas un soldat ne bougeait. Si un d'eux l'avait fait, il aurait subi le même sort que ses camarades. L'exécution terminée, Sylla reprit la parole. LS: Mes frères d'armes, c'est une grande victoire pour la République que nous fêtons ce soir! Nous avons annihilé l'Anti-Sénat et délogé Marius et Sulpicius! La République est sauvée!!! Un long cri de victoire salua les paroles de l'imperator. LS: La République est sauve, mais nous avons beaucoup à faire cette nuit. Basilus, avec ta légion tu vas me nettoyer toutes les rues de la Ville. Au lever du jour, je ne veux plus voir aucune trace des combats qui se sont déroulés au Capitole! Mummius, tu vas l'aider. Vous irez faire brûler les corps en dehors de la Ville, puis vous irez monter le camp près du Champ de Mars. Les deux légions consulaires, vous aller me quadriller toute la Ville! Je veux des troupes à chaque carrefour et dans chaque rue. Vous devez veiller à ce que l'ordre règne. D'autre part, vous annoncerez partout que je convoque une assemblée du peuple dès le lever du soleil. Lucullus, avec ta légion, tu as ordre de me retrouver les traîtres à la République que sont Sulpicius, Marius et tous leurs complices! Ils n'ont pas pu sortir de la Ville! Je veux que tu me les retrouves avant l'aube car j'ai bien l'intention de les traîner à genoux devant le peuple pour qu'ils puissent répondre de leurs crimes!!! Un enthousiasme quasi-général suivi cette annonce. Les cinq légions se mirent à manœuvrer en bon ordre. LS (fatigué): Pompeius, nous allons devoir passer la nuit à patrouiller dans toute la ville pour rassurer la population… Quelque part dans la Ville, 3ème heure de la nuit La famille Marius avait finalement réussi à s'extirper de la citadelle par un petit passage non gardé. Par un accès au sous-sol, Marius avait regagné sa propre maison. Julia fut folle de joie en les voyant tous débarquer. Julia: Le combat est terminé! Marius le Jeune (serrant sa mère): Oui mater, mais les légions de Sulla sont toujours à notre poursuite. Marius se dirigea rapidement vers ses coffres avec ses deux beaux-fils. CM: Vite, il nous faut beaucoup d'or, sinon nous ne sortirons jamais vivant de cette maudite ville! Marius le Jeune (pressé): Père, nous ne pouvons rester là! CM: Je sais mon fils. Habillez-vous tous avec des tenues d'esclaves! Nous devons passer le plus inaperçu possible. (Tendant une grosse bourse à son fils): Gaius, tu vas partir sans moi. Nous nous retrouverons en Afrique là où nous avons établis nos colonies, près de Carthage. Marius le Jeune: Jamais père! Je refuse de t'abandonner! CM: Mon fils, nous avons perdue cette guerre, mais il nous restera bien d'autres batailles à remporter! Mais, nous ne pouvons rester ensemble, c'est bien trop dangereux. Marius serra une dernière fois son fils contre lui et le regarda s'éloigner. Les frères Granius allèrent se changer. Le vieux général se retrouva seul avec sa femme qui l'aida à s'habiller. CM: Je tenais la Ville, Julia. J'étais sûr de gagner! Et puis, et puis… Sulla a réussi à nous déborder avec cinq légions jusque sur le Capitole. Julia (en se blottissant contre son mari): Vous êtes vivants, c'est tout ce qui compte pour moi. CM (repoussant sa femme): Non Julia. Sulla tient la ville et il veut notre mort. Je le connais, il sera sans pitié. Julia (refusant de comprendre): Mais enfin, Gaius, tu as été six fois consul de Rome! Sulla ne peux pas te condamner à mort! Le peuple s'y opposera! CM (lucide): Julia, même le peuple soutient Sulla! Si la population nous avait rejoints, nous l'aurions facilement vaincu! (Sur le ton de la confidence): Julia… avec Sulla nous nous sommes affrontés face à face le glaive à la main. J'ai perdu mais il m'a laissé partir… pour me "remercier" de l'avoir laissé sortir vivant de chez nous la dernière fois... Mais tu peux être certaine qu'avant midi il m'aura déclaré ennemi de la République! Julia: Ô Gaius… (Déterminée): Je viens avec vous! CM: Non Julia. Il faut que tu restes à Rome! Tu dois aider tous nos clients et tous nos partisans, et tu géreras mes affaires en mon absence. (La regardant dans les yeux): Tu dois rester car je veux avoir une bonne raison de revenir à Rome… Gaius Marius embrassa tendrement sa femme et ressorti avec ses deux beaux-fils par un souterrain. Les Granius et Marius marchèrent un long moment dans les sous-sols. Ils débouchèrent dans une rue sombre de la Subura. "Titinius!" Marius se souvient qu'un de ses fidèles clients habitait dans ce quartier. Se cachant à l'approche d'une patrouille, Cnaeus Granius alla frapper à la porte du marchand: "Au nom des dieux, je vous en prie ouvrez!" La porte s'ouvrit timidement, et tous s'engouffrèrent rapidement dans la petite ouverture. Titinius était dans son salon avec toute sa famille. Il ouvrit des yeux grands de stupéfaction en voyant Marius débarqué vêtu comme un esclave. Marius prit son client par le bras et l'attira vers son bureau. CM: Titinius, j'ai besoin que tu m'aides à quitter Rome! Titinius: ça, je m'en doute bien. Sulla fait patrouiller ses hommes dans toute la Ville pour te retrouver. A ce que nous avons pu comprendre, il veut te faire comparaître à la première heure devant l'assemblée du peuple. Devant lui, le visage de Marius se décomposa et le vieux général du s'asseoir. "J'aurais préféré qu'il me tue au marché! Mais non, pour lui, ce n'était pas suffisant! Il faut qu'il m'humilie en public devant tout Rome! Mais jamais ça n'arrivera Sulla!", pensa-t-il. Gaius Marius vaincu CM (décidé): Titinius, passe-moi ton glaive! Titinius: Consul, personne ici ne te livreras à Sulla. Ne te suicide pas. Nous allons t'aider à t'enfuir. CM (à bout): Je ne veux pas que Sulla me prenne vivant! Titinius: J'ai des hommes dévoués. Je vais les envoyer repérer les endroits par lesquels il sera plus facile de s'enfuir. Tu auras quitté la Ville avant le lever du jour. En attendant, restaures- toi et repose-toi… Près de la Porte Minucia, 4ème heure de la nuit Sulpicius était seul et tremblait de peur. Alors qu'il était dans une rue et cherchait de vieux vêtements pour passer inaperçu, ceux de l'Anti-Sénat qui l'accompagnait encore s'étaient faits attrapés par la patrouille syllanienne. Depuis, Sulpicius ne bougeait plus, de peur d'être découvert. Au bout d'un long moment, il comprit ce qui se passait. La légion de Mummius sortait par la Porte Minucia. Sulpicius saisit sa chance. Un légionnaire passa seul non loin de lui. Il l'attira, l'assomma et lui vola ses vêtements. Ainsi vêtu, il allait passer la porte, lorsque: Un centurion: Eh toi! Oui, toi! Retourne au Capitole aider les autres! A contrecœur, Sulpicius fit demi-tour et parti tenter sa chance à une autre porte… Près du Circus Maximus, 5ème heure de la nuit Sylla et Pompeius tournaient inlassablement et faisaient crier à leurs hérauts que le calme était revenu dans la Ville. L'imperator veillait à ce que des troupes de pillards ne profitent pas des événements pour créer plus de confusion dans la cité. A un moment, Pompeius finit par dire: PR: Lucius, je suis près de chez moi. J'aimerai bien aller voir ma femme et me changer… On se retrouve sur le Forum avant le lever du jour… Sylla avait donné son accord. Petit à petit, l'agitation de la ville se calmait, mais pas la sienne. Il avait désormais Rome pour lui tout seul et était trop heureux d'en parcourir toutes les rues avec ses troupes. "Rome m'appartient!", pensa-t-il. Porte Trigemina, 6ème heure de la nuit Sulpicius retrouva le sourire. Il avait enfin réussi à sortir de la Ville. Il savait déjà où il allait aller. Il avait une maison de campagne non loin de Rome. Il pourrait se restaurer, se changer et prendre ensuite un bateau pour l'Afrique… Mont Palatin, 7ème heure de la nuit Sylla vit venir vers lui Gaius et Lucius Caesar. Le prince du Sénat était content. LC: Bravo Lucius Cornelius, tu as rétabli la République en moins de trois heures! Mes compliments! LS: ça me fait penser qu'il va falloir que je détache Postumius… CS: Oui, le pauvre devin ne doit plus sentir ses poignets… LS: Julius, j'aimerai convoquer le Sénat dès la fin de ma réunion avec le peuple. LC (direct): Tu vas faire déclarer Marius ennemi public? LS: Lui et quelques autres oui. Et puis, je dois faire annuler toutes les lois de Sulpicius. LC: Je m'occupe de réunir le Sénat! Lucius Caesar s'éloigna, ravi de la tournure des événements. Caesar Strabo resta près de l'imperator. CS: Je parie que tu n'as pas vu Marius de la bataille. LS (un sourire en coin): Oh si, Gaius, je lui ai même mis mon glaive sous la gorge. Vopiscus n'en cru pas ses oreilles. CS: Où est-il? LS: Marius? A l'heure qu'il est, il doit être sorti de la ville. Mais avec de la chance, nous l'aurons attrapé avant le lever du jour… CS (réellement surpris): Tu l'as laissé partir?!? LS: Gaius, tu m'as dit de choisir: où tuer Marius où être imperator de Rome. J'ai choisi… CS: Je vois que tu m'as bien écouté finalement… LS: Oui Gaius… (montrant son vrai visage): Et maintenant, je contrôle tout l'Empire Romain. Merci! Sans toi je n'y serais pas arrivé! CS (surpris): Lucius, c'est le Sénat qui gouverne Rome, pas toi! LS: Oh si Gaius. Souviens-toi, tu as dit que le Sénat était prêt à mettre un imperator à la tête de la République. J'entends bien que le Sénat n'oublie pas sa promesse et exécute mes ordres. Vopiscus se sentit pris au piège. Ils avaient voulu que Sylla sauve la République avec ses six légions. Sylla l'avait fait, et maintenant il présentait l'addition au Sénat qui était incapable de lui refuser ses conditions. "Comment ai-je pu oublier qu'il a facilement manœuvré des personnes aussi rusées que Bocchus, Archélaos et Mutilus? Nous nous sommes fait avoir comme des nouveau-nés!", pensa Caesar Strabo. CS (en colère): Premier consul, ton devoir est avant tout de servir Rome et la République! LS (souriant): C'est exactement ce que je vais faire Gaius. Je vais rétablir la vraie République, celle d'avant les Gracques. Toutes mes lois seront en faveur du Sénat. Vous ne trouverez rien à y redire. Vopiscus se demanda qui avait vraiment perdu ce soir, Marius ou le Sénat. "Sulla rétablit la République… il laisse Marius en vie… alors pourquoi ai-je la sombre impression que la République n'existe plus ce soir?" CS (soupirant): D'accord Lucius, tu as gagné. Nous voterons toutes tes lois! LS (d'excellente humeur): Allons, ne fait pas cette tête Gaius. Allons boire pour fêter notre victoire! Quelque part dans Rome, 9ème heure de la nuit Titinius: Marius, nous allons pouvoir te faire sortir de la Ville. Gaius Marius vivait la plus horrible nuit de sa vie. Même celle qui avait suivie l'opération de ses varices avait été moins douloureuse. Il sursautait à chaque fois qu'il entendait une patrouille dans la rue et se retenait toutes les minutes d'aller dans la cuisine chercher un gros couteau ou un glaive pour en finir avec la vie. Tout plutôt que de se retrouver une fois encore devant Sylla! Les frères Granius sautèrent de joie à la nouvelle. Marius resta d'humeur très sombre. Titinius: Nous allons vous faire sortir un par un par une porte différente. Quintus et Cnaeus sortirent les premiers à plusieurs minutes d'intervalle. Puis ce fut au tour de Marius. Titinius en personne l'accompagnait. Titinius: ça va être une longue marche, mais nous allons passer par la Porte Navalis au sud. Nous y serons avant le lever du jour. A cette heure-là, les marchands viennent apporter les produits frais pour les marchés. Je m'y rends souvent. Ma présence n'éveillera donc pas de soupçon. Tu te feras passer pour mon esclave. Misérablement, Marius suivi son nouveau "maître". A chaque fois qu'il croisait une patrouille, il sursautait. Dans une rue, il reconnu la voix de Lucullus et cru qu'il allait être arrêté. Enfin, il passa la Porta Navalis au milieu des commerçants très matinaux. Quelques minutes plus tard, Marius se retrouva loin des regards sur une petite route secondaire. Titinius: Bien, je vais te laisser là. Voici quelques vivres pour la route et une petite dague au cas où. Marius s'effondra en larmes dans les bras de son client. CM: Je ne pourrais jamais assez te remercier pour tout ce que tu as fait pour moi cette nuit Titinius. Marius écrivit un petit message qu'il devait aller remettre discrètement à Julia. Le vieux général demandait à sa femme de récompenser la fidélité de Titinius en lui offrant un million de sesterces. Bientôt, Marius repris seul sa route en pleine nuit. Il y a quelques heures encore, il était le premier citoyen de Rome, maintenant, sa vie valait moins que celle d'un esclave... |