Via Appia, au nord de Velitrae, 3 jours avant les calendes d'octobre

"Notre Felix n'a peut-être qu'une couille,

Mais la Vieille Mule, elle, elle est bonne pour l'abattage!

Sulla est notre imperator!

Marius! Marius! Nous arrivons!

On arrive pour te dire…

Qu'on n'en a rien foutre de ton commandement!

Tous à Rome!!!"

Les six légions avançaient à bon rythme sur cet air improvisé, à la plus grande joie de Sylla. Un léger sourire se dessinait sur ses lèvres et éclairait son visage assombrit par le deuil et le manque de sommeil. Lucullus et Caesar Strabo enchainaient les couplets aux côtés de Pompeius, qui avait déjà prévenu qu'il verserait une somme de 5000 deniers au légionnaire qui lui ramènerait Sulpicius vivant. Il rêvait de le précipiter lui-même du haut de la Roche tarpéienne…

Ils étaient maintenant à environ 25 milles de Rome et Sylla pensa qu'ils marcheraient encore une petite heure. Demain midi, ils seraient à Rome... L'imperator, qui trottait en tête du convoi, était content de la bonne tenue de ses troupes. Il avait prévenu que le premier soldat qui volerait ne serait-ce qu'une pomme au bord de la route serait puni de mort. Tous les légionnaires comptant bien s'embarquer pour l'Asie avant l'hiver, la discipline régnait en maître dans l'armée des consuls.

Un char tiré par quatre chevaux galopait bon train dans leur direction. Tous reconnurent Valerius Flaccus. "Tant pis pour notre avance, il va falloir camper ici pour la nuit", soupira Sylla. Il transmit ses ordres à Lucullus et s'avança vers Flaccus. Celui-ci demanda une entrevue avec lui, Lucius Caesar et Pompeius Rufus. Tous les quatre se retirèrent à l'écart de l'armée. Flaccus semblait gêné.

LS (un brin ironique): Qu'est-ce qui nous vaut la joie de te revoir parmi nous Valerius?

VF: Je viens vous revoir sur ordre de… du… de Gaius Marius, finit-il par dire.

PR (optimiste): Lui et Sulpicius ont enfin décidé de se rendre?

VF: Euh, je dois vous dire que vos officiers…

LS (fatigué): Pas la peine d'en dire plus, Valerius, nous savons… Fais-nous plutôt un descriptif de la situation. De combien Marius dispose-t-il de troupes?

Sylla préférait se concentrer sur les questions militaires. Il ne voulait pas être pris par surprise par le vieux général.

VF: Le Sénat ne compte aucunement s'opposer à vous…

LC (heureux): Voilà enfin une bonne nouvelle!

VF: Marius accepte votre proposition de se rencontrer demain au Temple de Bellone. Il te demande juste de maintenir tes troupes éloignées à plus de 5 milles de Rome.

LS (méfiant): Le voilà bien raisonnable tout d'un coup! Mais, dis-moi, Valerius, quelles sont ses exigences?

VF: Marius n'en a aucune. Comme nous tous, il ne veut pas voir les légions à l'intérieur du pomerium. Nous voulons tous trouver une issue pacifique à cette crise.

LS (froid): Et cette issue pacifique comprend-elle aussi les assassinats gratuits qu'ont commis Marius et Sulpicius ces derniers jours?

VF: Sulla, je partage ta peine et je peux t'assurer que je regrette amèrement ce qu'ils ont fait… Mais je souhaiterais plutôt que nous parlions des arrangements à discuter demain…

LS (intraitable): C'est très simple Valerius. J'attends de Marius et de Sulpicius qu'ils se rendent sans condition avec tous leurs complices.

VF (peiné): Sulla, je suis sûr qu'il existe une autre solution…

LS (absolu): En tant que Premier consul de Rome, j'ai toute autorité sur la République!

VF (regardant Lucius Caesar): Et tu soutiens ses décisions?

LC (sûr de lui): Le Sénat soutient effectivement les décisions des consuls.

VF (soupirant): Sincèrement, je veux éviter un conflit armé dans les rues de Rome, mais cette décision n'est pas acceptable pour le Sénat…

LC: Si Valerius, en tant que princeps senatus, je peux parler en son nom!

VF (commençant à trembler): Caesar, il y a un problème que nous devons régler entre nous...

LC: Je t'écoute.

VF: Entre nous deux...

LS (soupçonneux): Tu as oublié de nous dire quelque chose Valerius?

VF (prenant son courage à deux mains): Pendant que j'étais absent, le Sénat à fait voter quelques lois… Il a reconnu l'Assemblée Latine de Sulpicius…

LC (professionnel): Je crains que le quorum légal n'ait pas été atteint pour voter cette loi. Elle n'est donc pas valide, dit Caesar en regardant Flaccus et les consuls.

VF: Euh, oui, je suis d'accord là-dessus Caesar… J'ai aussi été désigné Prince du Sénat…

LS (ironique): Ah, nous avons donc deux Sénats et un Anti-Sénat maintenant! De mieux en mieux! Quoi d'autre Valerius?

VF (dans un souffle et détournant le regard): Le Sénat a désigné Marius premier consul.

Lucius Caesar et Quintus Pompeius se tenaient prêts à bondir sur Sylla, qui resta de marbre à la nouvelle.

LS (maître de lui): Tu vois Quintus, en fin de compte, c'était moi que voulait destituer Marius...

Puis, il s'approcha lentement de Flaccus, qui avait du mal à soutenir son regard.

LS (droit dans les yeux): Valerius, je peux t'assurer que les membres de ce qui reste du Sénat n'ont rien à craindre de nous… à la condition sine qua non que vous ne souteniez ni Marius, ni Sulpicius.

VF: Je comprends Sulla, mais…

LS (s'approchant de son oreille): Je te charge juste d'aller transmettre un message officiel à Marius de ma part: "Tu n'as aucun pardon à attendre de la part du Premier consul de la République".

VF (les yeux agrandis de peur): Mais Sulla, tu es prêt à déclencher une guerre civile!

LS (dur): Je n'ai aucun pardon à offrir à ceux qui s'en prennent à ma femme et à mes enfants.

VF (commençant à paniquer): Sulla, Marius et Sulpicius se rendent à tes conditions! Tu ne peux attaquer Rome!

LS (tombant le masque): La République est bafouée par un homme que Rome a honoré six fois du titre de consul et c'est moi que l'on accuse de déclencher la guerre civile!?! Les consuls sont chassés de Rome le glaive sous la gorge par un tribun de la plèbe qui se donne le droit de détruire le Sénat! Des officiers se font gratuitement assassiner sur les marches de la Curie! Assez Flaccus!!! Je vais rétablir l'ordre dans la République et s'il le faut j'entrerais dans Rome le glaive à la main pour aller tuer Marius moi même!!!

Les légions marchent sur Rome

A côté de lui, Lucius Caesar et Quintus Pompeius ne bougèrent pas. Valerius compris qu'il n'avait aucun soutien à obtenir de leur part.

VF (blanc): C'est la guerre, Premier consul?

LS (sans pitié): Oui, Flaccus, je déclare la guerre à Marius et à Sulpicius. Toutefois, si ce qui reste du Sénat voulait bien me les livrer avant que nous atteignons Rome…

VF (pleurant presque): Tu ne peux nous demander une chose pareille…

LS (fataliste): Alors attends-toi à voir six légions entrer dans Rome demain…

VF (vaincu): Je vais aller transmettre ton message à Marius. Mais sache que je t'en voudrais toujours pour avoir fait attaquer Rome par des légions romaines, Sulla. (Dans un sursaut de rage): Tu accuses Marius et Sulpicius de détruire la République, mais tu fais pire Sulla: tu portes les armes contre ta propre patrie!!!

LS (implacable): Je sais, Valerius, je sais… et j'en assume seul toute la responsabilité.

PR (s'approchant de Sylla): J'en assume la responsabilité avec lui.

Rome, 3 jours avant les calendes d'Octobre

Flaccus avait fouetté ses chevaux et changé deux fois d'équipage. A la deuxième heure de la nuit, il était rentré à Rome et il couru tout droit chez Gaius Marius. Celui-ci était tranquillement dans son salon avec son fils et ses deux beaux-fils.

GM: Déjà de retour Flaccus?

VF (à l'adresse des fils de Marius): Sortez!

Marius fit signe de la tête et les fils sortirent, non sans jeter un regard noir vers Flaccus. Sur la table, Marius avait étalé ses cartes de l'Asie et commencé à dessiner des plans de batailles.

GM: A voir ta tête, je suppose que Sulla t'a réservé un accueil chaleureux…

VF: Très! Il m'a demandé à ce que nous te livrions toi et Sulpicius!

GM: Lui as-tu bien précisé que j'étais maintenant le Premier consul de Rome et que je dirigeais la Ville?

VF: Oui! Et il a dit que demain, il entrerait dans Rome avec ses légions. Il a aussi un message personnel pour toi: "Tu n'as aucun pardon à attendre du Premier consul de la République"

GM (pas intimidé): Encore du bluff! Sulla est un maître dans l'art du trucage et de la manipulation, mais je suis plus malin que lui, Flaccus. Je ne tomberais pas dans son piège.

VF (perdant patience): Je te répète que, demain, Sulla attaquera Rome!! Est-ce que tu vas enfin m'écouter Marius?!! Sulla s'est fichu de nous! Il ne cherchait qu'à nous endormir! Quoi que l'on puisse lui proposer, il est décidé à faire entrer ses légions dans Rome! Qu'avais-tu besoin d'aller assassiner ses officiers et ses amis!! Maintenant, il ne fera aucun quartier! Il a dit qu'il te déclarait la guerre à toi et à Sulpicius!

GM (entêté): Flaccus, Sulla n'est pas assez stupide pour aller attaquer sa propre Ville. Je le tiens! Il n'a aucune marge de manœuvre. Il sera obligé de me céder son commandement. C'est d'ailleurs très gentil de sa part de m'avoir ramené l'armée...

VF (attrapant Marius par sa tunique): Sulla vient pour te tuer, dit Flaccus en détachant chaque mot.

GM (ne voulant pas comprendre): Sulla est déjà mort. Il n'a plus aucun pouvoir légal!

VF (tenant toujours Marius): il commande à six putains de légions et il a le soutien du Sénat!

GM (essayant de calmer Flaccus): Valerius, Sulla ne commande plus rien. Au Temple de Bellone, je présiderais la séance du Sénat avec toi comme co-consul. Là bas, nous le déclarerons comme traître à la République et nous serons enfin débarrassés de lui…

VF (désabusé): Marius, c'est fini. Le Sénat ne soutiendra pas ton action contre Sulla. Nous ne nous opposerons pas à ses six légions, ce serait du suicide. Aucun romain ne te livrera à Sulla, mais personne ne t'aidera non plus à le combattre…

GM (secouant la tête): C'est décevant de ta part Flaccus…

Flaccus sortit sans plus dire un mot. "Sulla vient pour te tuer". Marius ne pu s'empêcher de sourire. "Tu peux venir attaquer Rome tant que tu veux avec tes six légions, sur le terrain militaire, je suis imbattable", pensa-t-il. Son fils entra.

GM: Gaius, va me chercher les deux préteurs.

Marius le Jeune: Brutus et Servilius?

GM: Oui, nous allons tout faire pour retarder Sulla… Ensuite, tu rejoindras Albinovinus. Vous devrez vous assurer qu'aucune troupe ne puisse entrer en ville demain…

Via Appia, au nord de Velitrae, 2 jours avant les calendes d'Octobre

Sylla s'éveilla avant l'aube. La veille, il s'était endormi tôt après avoir longtemps parlé avec Pompeius. Ils n'avaient prévu aucun plan de bataille, juste qu'aucun membre du Sénat à part eux n'entrerait dans Rome les armes à la main; il en allait de leur responsabilité de consuls. L'imperator considéra qu'il improviserait le moment venu…

Tous les soldats savaient qu'ils entreraient dans Rome aujourd'hui pour venger la mort de leurs officiers et mettre hors de la République les tyrans Marius et Sulpicius. Au lever du jour, tous s'affairaient en silence, présentant que la journée serait cruciale. Sylla veilla avec Pompeius à ce que les légionnaires aient tous un équipement léger et des armes bien affutées. Il demanda à Lucullus que chaque homme prenne sur lui une part de rations pour la journée; il prévoyait d'accorder un repos et une collation rapide à la légion avant de fondre sur Rome…

Au lever du soleil, on s'apprêta à quitter le camp. Sylla était devant l'entrée sur son cheval avec Pompeius à ses côtés, entourés de ses officiers et des membres du Sénat. Il entama alors un petit discours pour galvaniser ses troupes.

LS (solennel): Légionnaires, ce soir nous serons dans Rome! Aujourd'hui, nous délivrerons la Ville de ses tyrans!!! Marius et Sulpicius cherchent à détruire la République, nous allons leur montrer, quirites, ce qu'est la vraie République Romaine!!!

30 000 hommes levèrent alors leurs glaives en signe de hourrah et crièrent autant qu'ils le purent. Le calme revenu, Sylla enchaîna.

LS: Je vous demande à tous de respecter la Ville et ses habitants. Notre objectif est d'en finir avec l'Anti-Sénat de Sulpicius et leurs complices. Je ne tolérerais aucun pillage. Vous êtes des soldats de la République, vous devez respecter la République!!! D'autre part, j'exige de vous la plus grande discipline quant aux ordres que je vous donnerais. Tout manquement à mes ordres sera puni de mort! Légionnaires, ce soir nous serons victorieux ou nous mourrons ensemble!!! AD ROMA!!!

35 000 soldats et cavaliers reprirent en cœur "AD ROMA!!!" Et l'armée entama sa dernière journée de marche.

Via Appia, sud d'Aricia, 3ème heure du jour

A l'entrée de la ville d'Aracia, une ambassade officielle attendait les six légions de Sylla. Les préteurs Marcus Junius Brutus et Gnaeus Servilius Caepio, revêtus de leurs toges et accompagnés de leurs douze licteurs, s'étaient installés au milieu de la voie. Sylla et Pompeius les aperçurent de loin. Ils ne ralentirent pas pour autant et s'arrêtèrent brusquement à quelques mètres d'eux.

Junius Brutus (très hautain): Salve Cornelius Sulla et Pompeius Rufus. Vous nous connaissez bien, mais pour respecter les formalités d'usage, nous sommes les préteurs Marcus Junius Brutus et Gnaeus Servilius Caepio. Nous venons de la part du Sénat et nous vous ordonnons de rebrousser chemin!

LS (aussi hautain): Qui m'ordonne de rebrousser chemin, à moi, le Premier consul de la République?

JB: Le Sénat ne veut pas voir ton armée entrer dans Rome!

LS (rusant): D'après les dernières nouvelles que nous avons, le Sénat n'existe plus.

JB (toujours hautain): On t'aura mal informé, imperator, le Sénat fonctionne toujours.

LS (officiel): Bien, alors dans ce cas, tu pourras informer le Sénat que ce soir, les deux consuls seront de retour dans la Ville… (Un sourire en coin): accompagnés de six légions.

JB (insistant): Sulla, nous sommes les représentants de la République! Le consul suffect Gaius Marius t'ordonne de retourner à Nola et de démobiliser ton armée!

LS (s'amusant): Quintus, tu as eu connaissance qu'un des deux consuls était mort?

PR (souriant): Non, Lucius. Il me semble pouvoir prouver que nous sommes tous les deux bien vivants.

LS: Alors il ne peut y avoir de consul suffect à Rome…

PR (à l'adresse de Brutus et de Servilius): On vous aura mal informés préteurs…

JB (s'énervant): Sulla, le Sénat exige que tu renonces à ton commandement et…

Lucius Basilus s'approcha soudainement avec plusieurs légionnaires.

B: On ne s'adresse pas ainsi au Premier consul de la République!

Et une cinquantaine de soldats se saisirent promptement des deux préteurs et de leurs licteurs. Ils leur arrachèrent leurs faisceaux, enlevèrent leurs toges aux préteurs, se saisirent de leurs armes et commencèrent à les brutaliser. Brutus et Servilius crurent que leur dernière heure était arrivée.

LS: Assez!!!

Les légionnaires lâchèrent immédiatement les deux préteurs et leur suite. La lèvre en sang, Brutus tremblait. Servilius avait lui aussi reçu plusieurs coups au visage.

Junius Brutus brutalisé

LS: Bien. Vous allez rentrer immédiatement à Rome et dire à Gaius Marius et à Publius Sulpicius que s'ils acceptent de se rendre, nous n'entrerons pas dans Rome. Est-ce clair?

JB (terrorisé): Oui consul.

LS: Basilus, donne-leur des chevaux rapides, sinon nous allons arriver à Rome avant eux…

Les deux préteurs reprirent la route au grand galop sous les huées de la légion.

Rome, 6ème heure du jour

Brutus et Servilius franchirent la Porta Capena devant les yeux désabusés d'Albinovanus. Tous les partisans de Marius se réunirent à la Curie dans les minutes qui suivirent. Celui-ci présidait la séance improvisé toujours sur la chaise curule de Sylla.

GM: Alors?

JB (avec sa tunique déchirée et couvert de sang): Sulla demande à ce que vous vous rendiez, toi et Sulpicius, sinon il attaque Rome.

GM (jubilant): Enfin Sulla montre son vrai visage: celui d'un homme qui ne recule devant rien pour arriver à ses fins, même tuer son propre peuple! (Se levant, content de passer à l'action): Il est temps de nous préparer à défendre Rome! (S'adressant à son beau-fils Granius): Quintus, tu tiendras les portes au nord.

QG: Les portes au nord? Mais Sulla arrive par le sud!

GM: Qui te dit que Sulla va attaquer par le sud? Le connaissant, il va tenter de nous surprendre. Nous devons donc parer à toute éventualité. (A l'autre Granius): Gnaeus, tu surveilleras les portes ouest. (A son fils): Gaius, je te charge du quartier est. (A son neveu): Marcus, tu superviseras la défense du sud avec Brutus et Servilius. Aucune des légions de Sulla ne doit entrer dans Rome! Albinovanus, tu tiendras le Forum avec l'Anti-Sénat de Sulpicius. Je prendrais la tête de notre garnison de 3000 hommes. Ce sera du 1 contre 10, mais nous avons l'avantage du terrain.

Rubrius Varron: Tu as pensé que Sulla pourrait assiéger la Ville?

GM: Je pense toujours que Sulla bluffe et qu'il n'attaquera pas Rome, ni ne l'assiégera. Il veut surtout nous faire peur.

Marcus Marius: Et au cas où il attaquerait quand même?

GM: Alors votre mission est de le repousser lui et ses troupes. Il est vital que nous conservions le contrôle de la Ville.

Publius Cethegus: Coelius Caldus est arrivé.

GM: Entre Coelius, j'ai une mission pour toi. (Le prenant par les épaules): Je sais que, comme le reste du Sénat, tu ne désires pas que les Romains se fassent la guerre entre eux. Alors j'aimerai que tu ailles expliquer cela de vive voix à Sulla.

Coelius Caldus (soupçonneux): Marius, tous savent que je suis un fervent populares et que je t'ai soutenu plusieurs fois au Sénat. Sulla ne m'écouteras pas. Regarde dans quel état il a mis Brutus et Servilius!

GM (directif): Tu iras avec Cethegus. Tu es un ancien consul, il t'écoutera. En fait, je te demande de tout faire pour le ralentir, afin que cela nous laisse plus de temps pour préparer la défense de la Ville. Partez sur le champ. Vous irez attendre Sulla à Picines et vous vous débrouillerez pour arrêter son armée.

Cethegus (les yeux remplis de malice): Je suis sûr que je peux être aussi bon comédien que lui…

Rome, 7ème heure du jour

Metellus Pius habitait l'une des plus vastes demeures de la Ville. Depuis qu'il était rentré victorieux de Venusia et avait tué Pompaedius Silo, l'un des deux généraux insurgés de la Guerre Sociale, tout Rome l'acclamait. Contrairement à Sylla qui maintenait ses légions sous les aigles, Metellus avait célébré son triomphe à la fin du printemps. De leur côté, les autres généraux, Cinna et Pompée Strabo, étaient toujours occupés à pacifier le Picenium au nord de Rome. Derrière Sylla et Marius, Metellus Pius était sans doute le meilleur général. Pourtant, alors que l'affrontement entre les chefs optimates et populares s'apprêtait à dégénéré en guerre civile, il restait volontairement en retrait. Certes, tuteur de Dalmatica à la mort de Scaurus, il avait accepté de la donner en mariage à Sylla, au détriment d'autres membres de l'aristocratie. Mais Lucius Cornelius avait pour lui d'avoir vaincu les Marses et de se faire élire consul. En outre, Metellus n'avait pas pu refuser la main de sa cousine à un homme qui avait mis fin à la guerre contre Jugurtha et vengé ainsi l'honneur de son père. Pourtant, Pius avait un plan en tête, qu'il se décida à expliquer à Valerius Flaccus, venu le trouver.

VF (suppliant): Metellus, s'il te plaît, va dire à Sulla de stopper sa marche. Toi il t'écoutera!

MP (ombrageux): Sulla est mon beau-fils par alliance. Je ne vois pas pourquoi j'empêcherai le Premier consul de remettre de l'ordre dans la République…

VF: Alors aides-nous à stopper Marius, au moins! Sinon, je crains que cela ne dégénère en un violent combat de rue. Les rues de Rome risquent de se retrouver gorgées de sang avant ce soir!

MP (se dégageant de toute responsabilité): Comme tu l'as dit Flaccus, personne n'aidera Marius. S'il veut mourir dans les rues de Rome sous les coups des glaives comme un vulgaire voyou, libre à lui…

VF: Mais pourquoi ne fais-tu rien pour stopper cette folie?

MP (froid): Pour la même raison que Quintus Sertorius n'aide pas Marius! Les lois de Sulpicius nous ont mis hors du Sénat. Tout cela ne nous concerne donc pas…

VF (à bout): Ce que tu peux être cynique Metellus!

Valerius Flaccus et Metellus Pius observateurs

MP: Allons, Valerius, ne crois pas que je ne sois pas au courant de l'accord que tu as passé avec Julius César.

VF (surpris): De quel accord parles-tu?

MP: De celui où, même en cas de victoire de Marius, vous avez décidé de vous débarrasser de Sulpicius…

VF (se défendant): Nous voulons rétablir l'autorité du Sénat!

MP: C'est ce que je veux aussi Valerius…

VF: On ne dirait pas pourtant!

MP: Valerius, en laissant faire les événements, nous pouvons faire d'une pierre trois coups et être débarrassé à la fois de Sulpicius, de Marius… et de Sulla.

VF (manquant de s'étouffer): Tu comptes supprimer Sulla?!?

MP (catégorique): Non, mais si jamais Marius est victorieux - après tout, il a plus d'expérience que Sulla… - je me ferais un plaisir de le supprimer et même de m'en charger personnellement…

VF (voyant où Metellus voulait en venir): Je vois… Sans Sulla et Marius, la République retrouverait son calme d'avant guerre… Tu sais que Marius m'a proposé d'être co-consul avec lui?

MP: C'est bien que tu ais refusé. Ça m'aurait chagriné d'avoir à supprimer un homme intègre comme toi. Nous sommes donc d'accord Valerius: les sénateurs ne soutiennent pas Marius et restent aux côtés des consuls légitimes Sulla et Pompeius.

VF: Mais si Marius tue Sulla alors…

MP: Alors le Sénat reprendra le contrôle de la République. (Un sourire froid se dessinant sur ses lèvres): Nous n'avons plus qu'à attendre tranquillement le déroulement des événements.

Valerius Flaccus sortit en frissonnant. Quoi qu'il ait pu finir par en douter, la faction des Metelli contrôlait toujours la République, sans même à avoir à lever leur petit doigt…

Picines, 8ème heure du jour

"Rome, enfin!!" Sylla ne ressentait aucune angoisse, aucune peur. Il était au contraire intérieurement survolté par le soutien indéfectible de son armée et de celui des membres influents du Sénat. Extérieurement, il montrait un grand calme et se sentait très sûr de lui. Sa détermination impressionnait Pompeius Rufus.

PR: Je vois d'ici la Roche Tarpéienne. Si je mets la main sur Sulpicius, je le jette moi-même du haut de la falaise… Et toi, quel sort réserves-tu à Marius?

LS (énigmatique et sombre): Je l'annihilerai totalement de l'histoire de la République…

A la sortie de Picines, soit exactement à 5 milles de Rome, Sylla et Pompeius découvrirent une nouvelle délégation du Sénat qui les attendait. L'imperator prit cette fois la parole le premier.

LS (reconnaissant les sénateurs): Ave Publius Cethegus et Coelius Caldus. Il était temps pour vous de vous joindre à notre marche sur Rome et de venir nous aider à délivrer la ville de ses tyrans.

Coelius Caldus (direct): Ave consul. Le Sénat te supplie de bien vouloir renoncer à prendre Rome par la force. Nous t'accorderons tout ce que tu demanderas de raisonnable. Mais par pitié, nous te prions d'arrêter cette folie!

LS (dur): Je ne vois pas Publius Sulpicius et Gaius Marius avec vous. Le message que devait transmettre les préteurs Brutus et Servilius était pourtant clair!

CC: Nous t'avons dit que nous t'accorderons tout ce qui sera raisonnable. Te livrer pieds et poings liés Marius et Sulpicius ne l'est pas. Tu demandes au Sénat de trahir l'homme qui nous a libérés des Cimbres et des Teutons ainsi qu'un tribun de la plèbe qui a le soutien du peuple. Consul, nous ne pouvons accéder à ta requête sans déclencher une émeute populaire.

Sylla se montra attentif. Il semblerait que cette fois, les partisans de Marius se rendent enfin compte de la gravité de la situation et se soient décidés à basculer de son côté. "Mais je ne reculerai pas. Plus maintenant", pensa-t-il. Cethegus mis à profit le temps que Sylla s'accordait pour réfléchir pour descendre de son cheval, soulever sa toge et aller s'agenouiller devant le cheval de l'imperator.

PC: Pitié pour Rome consul! Tu l'as sauvé des Samnites avec plus de force et de bravoure qu'aucun autre général, y compris Marius, mais regarde-moi en face et dis-moi que la Ville n'a rien à craindre de son sauveur. Que le héros de la République que tu es ne fera aucun mal à la cité à laquelle il a dévoué sa vie et son glaive pour la défendre! Ne te retourne pas contre ta patrie consul! Je t'en supplie au nom de tous tes concitoyens!

La supplique de Cethegus toucha Sylla en plein cœur. Au fond, à quoi cela rimait-il que le héros de Rome prenne sa propre ville par la force? L'imperator sentit faiblir son inébranlable résolution. Il descendit de son cheval et alla relever Cethegus.

LS: Tes paroles sont celles d'un homme de cœur Cethegus, dévoué aux intérêts de sa patrie. (A ses hommes): Que l'on prépare le camp!

Les yeux de Cethegus brillaient: "Merci Sulla".

Surpris de cette décision, Pompeius s'approcha de son collègue.

PR: Nous nous arrêtons ici ?!

LS: Oui Quintus. Tu peux aller dire aux hommes qu'ils peuvent se reposer et se restaurer, répondit Sylla comme si de rien n'était.

Pompeius connaissait bien son collègue et comprit immédiatement ce message à double sens. Il alla avertir les troupes avec Lucullus.

Vraiment, Sylla allait arrêter sa marche sur Rome ?! Cethegus n'en revenait pas. Il proposa à l'imperator de venir retrouver Marius et Sulpicius au Temple de Bellone demain à midi. Le premier consul répondit qu'il allait y réfléchir. En voyant les légionnaires qui commençaient à délimiter l'emplacement du camp, Coelius Caldus ne douta plus et les deux émissaires repartirent pour Rome remplis d'espoir.

Sylla regarda les deux sénateurs s'éloigner et décida de laisser ses troupes se reposer une petite heure. Ensuite, il fondrait sur Rome sans aucune pitié pour ses ennemis. L'imperator convoqua Pompeius, Lucullus et le reste de son état major. Il avait désormais son plan de bataille en tête…

LS: Marius et Sulpicius pensent que nous n'oserons jamais attaquer Rome. Ils se trompent lourdement. Je veux une victoire totale. Le Sénat doit reprendre le contrôle de la Ville, c'est-à-dire qu'aucun membre de l'Anti-Sénat ne doit en réchapper!

Gaius Mummius: Morts ou vivants?

LS (dur): Tous ceux qui seront pris les armes à la main sont à considérer comme des ennemis de la République. Donc, pas de quartier Mummius!

Gaius Mummius était le petit-fils de Lucius Mummius Achaicus, le destructeur de Corinthe. Son grand-père avait transformé la Grèce en province romaine. De tous les légats, Mummius était le plus motivé pour aller en Asie afin de s'enrichir. En effet, la fortune familiale avait été dilapidée, si bien que Mummius s'était retrouvé exclu des charges du cursus honorum. Sylla le comprenait très bien. Lui-même avait des ancêtres prestigieux dans sa famille, mais sans l'héritage que lui avait légué sa maîtresse Nicopolis, il n'aurait jamais pu se faire élire questeur.

LS (continuant): Ils vont s'attendre à ce que nous attaquions en bloc par la Porte Capena. Au contraire, nous allons attaquer Rome par l'Est, le Nord et l'Ouest. Mummius, tu auras la charge de t'emparer de la Porte Viminalis avec une légion. Basilus, avec une autre légion, je veux que tu prennes la Porte Esquiline. Pompeius, je te charge de la Porte Colline, Lucullus, de la Porte Caelimontana. Princeps, je te donne une légion avec ordre de tenir le Pont Sublicius. Avec Gaius, vous n'attaquerez pas. Mais vous avez ordre d'empêcher toute tentative de fuite par le Sud-ouest. Crassus, avec la cavalerie je te charge de surveiller les portes au Nord-ouest et la via Flaminia. Même consigne: aucune attaque, mais veillez à ce que personne ne sorte de la Ville. Je resterais dans un premier temps en arrière avec ma légion prêt à intervenir si l'un d'entre vous rencontre des difficultés, et je laisserai ma cavalerie en réserve tenir la Porta Capena. L'objectif est d'entrer conjointement dans Rome et de converger vers le Forum par la Via Sacra. Des questions?

Aucune, l'imperator avait pensé à tout. Seul Pompeius Rufus se hasarda à une petite prière.

PR: Que les dieux nous pardonnent d'en être réduits à attaquer notre propre ville...

...Suite