SYLLA INFLEXIBLE CONTRE CESAR

Les proscriptions eurent des effets inattendus sur certaines familles romaines, et plus particulièrement sur celle de feu Lucius Cornelius Cinna. En effet, le sénateur Marcus Piso divorce de sa femme Annia, l'ex-femme de Cinna, afin de faire plaisir à Sylla qui voit d'un mauvais œil les femmes des proscrits poursuivre une vie sociale normale à Rome alors qu'elles étaient tenues de montrer un peu de décence après les exécutions de leurs maris. Dans le même ordre d'idée, il se trouve que la femme du jeune Gaius Julius César est la seconde fille de Cinna. Et Lucius Sylla regarde ce mariage d'un très mauvais œil. Même si César a fini par rejoindre le parti de Syllaen raison du gouvernement désastreux de Carbo et de Marius le Jeune. César finira par l'avouer bien plus tard à demi-mot: ''Lorsque Sylla vainqueur fit égorger Damasippus et toute la racaille qui avait élevé sa fortune sur les malheurs de la République, y avait-il quelqu'un pour ne pas louer de cette mesure? Ces criminels, ces factieux, dont les manœuvres séditieuses n'avaient cessé de troubler l'Etat, avaient bien mérité la mort, disait-on''. Mais surtout, Sylla regarde César d'un mauvais œil en raison de ses liens avec Gaius Marius. ''La parenté de César avec le vieux Marius fut la cause de son inimitié pour Sylla'', explique Plutarque. Cousin de Marius le Jeune, marié à la fille de Cinna, Sylla avait toutes les raisons de garder le jeune Jules César à l'œil. D'ailleurs, César ''portait dit-on, un laticlave garni de franges descendant jusqu'aux mains, et c'était sur lui qu'il attachait toujours sa ceinture, d'ailleurs fort lâche, de là, ce mot que Sylla répétait aux grands: ''Méfiez-vous de ce jeune homme mal ceint'', rapporte Suétone. Soit un jeu de mot pouvant aussi signifier ''méfiez-vous de ce jeune homme mal entouré''.

Julius Caesar

César était un jeune ambitieux, à légal du jeune Sylla au même âge. Agé d'à peine 17 ans, il trouva plus utile d'épouser la fille de Cinna que la très riche Cossutia, afin d'accéder à des postes plus prestigieux. Le jeune César rêvait d'obtenir un commandement militaire. Déçu de ne pas en obtenir un, il décida de se présenter à l'élection du Flamen Dialis, le prestigieux poste du grand prêtre de Jupiter. Il fit donc campagne sur le Forum et dépensa beaucoup d'argent pour se faire désigner. César réussit donc à se faire élire, mais Sylla exigea du nouveau prêtre de Jupiter qu'il remplisse certaines conditions avant d'être officiellement intronisé. Dans un premier temps, Sylla fit tout pour que César divorce de sa femme, par des menaces autant que par des promesses. Mais César, peut-être par la triple habitude familiale de faire la guerre à Sylla, refusa de divorcer. En représailles, Sylla le priva de son sacerdoce, confisqua la dot de sa femme et de quelques autres biens, et considéra que César n'avait plus sa place à Rome. Pourtant, le jeune César avait quelques alliés, même parmi l'entourage proche de Sylla. Apprenant la nouvelle de la disgrâce de César, son oncle Aurelius Cotta, Mamercus Aemilius, soit le gendre de Sylla, et même les vestales, se déplacèrent auprès du dictateur pour obtenir que celui-ci revienne sur sa décision. Son oncle insista sur le fait que le dictateur s'en prenait encore à un enfant. Mais Lucius Sylla fut inflexible et déclara: ''Vous êtes vous-mêmes bien peu avisés de ne pas voir dans cet enfant plusieurs Marius''. Aurelius Cotta prit immédiatement ce jugement pour une condamnation à mort de son neveu. Il lui rapporta les paroles de Sylla, et César, craignant pour sa vie, décida de quitter Rome dès la tombée de la nuit. Il du se déguiser pour quitter la ville et passa plusieurs semaines à se cacher dans les régions alentours de Rome. ''Un jour qu'il était malade, et qu'il fut obligé de se faire porter pour changer de maison, il tomba la nuit entre les mains des soldats de Sylla, qui faisaient des recherches dans ce canton, et emmenaient tous ceux qui s'y trouvaient cachés. Il donna deux talents à Cornélius, leur capitaine, qui, à ce prix, favorisa son évasion. Il gagna aussitôt les bords de la mer; et s'étant embarqué, il se retira en Bithynie, auprès du roi Nicomède'', rapporte Plutarque. Suétone a écrit que Sylla a pardonné au jeune Jules César, mais Plutarque raconte exactement l'inverse! En fait, Sylla a pardonné officiellement à César, mais officieusement, il laissa se poursuivre la chasse à l'homme. César ne du son salut qu'à la cupidité de Cornelius Phagita.

SYLLA ADULE PAR LE PEUPLE DE ROME

Parmi les autres mesures prises par Sylla, des lois concernaient aussi la vie privée des Romains. Le dictateur fit ainsi passer une loi sur l'adultère et la préservation des bonnes mœurs. Ainsi, il était interdit à toute épouse reconnue coupable d'adultère de se remarier. Sylla fit aussi passer une loi sur les jeux de hasard. Tous ces jeux furent interdits sauf les combats de boxe et les courses à pieds. Suivi ensuite la Lex Cornelia Sullae Somptuaria. Le dictateur fit voter par le peuple une loi prescrivant qu'aux Calendes, aux Ides, aux Nones, aux jours de jeux et de certaines fêtes solennelles, on aurait droit et licence de dépenser 300 sesterces pour le dîner, les autres jours, pas plus de 30. Cette loi possédait ainsi de nombreux autres alinéas. D'autre part, un coût pour les funérailles et les monuments funéraires à ne pas dépasser est fixé.

Sylla baisse les prix alimentaires

Enfin, Sylla fit passer la Lex Cornelia Sullae Frumentaria. Cette loi mettait fin aux distributions de blé gratuite pour les citoyens les plus pauvres de Rome. Certains ont dit que Sylla avait fait voter cette loi pour tenter de mettre fin à l'exode rural. Beaucoup d'auteurs ont considéré que cette loi de Sylla défavorisait la plèbe, mais tel ne fut pas le cas car un de ses articles diminua au contraire fortement le prix de vente des denrées les plus chères pour les rendre accessibles à tout le peuple romain, plèbe comprise. Macrobius en témoigne: ''A ces lois succéda la loi Cornelia, qui fut aussi une loi somptuaire que présenta le dictateur Cornelius Sylla: cette loi ne prohibait pas la magnificence des festins, ne prescrivait pas de bornes à la gourmandise; mais elle diminuait le prix des denrées: et quelles denrées, bon Dieu! Quel genre de sensualités recherchées, et à peu près inconnues aujourd'hui! Quels poissons et quels mets y sont nommés! Et cependant la loi leur assigne de bas prix. Je ne craindrai pas d'avancer que ce bas prix des mets invitait à s'en procurer une grande quantité et permettait aux personnes peu riches de satisfaire leur gourmandise''. Ainsi, toutes les denrées de Rome, blé, poisson, viandes et autres étaient désormais disponibles à bas prix. Il était donc désormais inutile de faire des distributions gratuites de blé, le peuple pouvait s'en procurer à très bas prix. Cette loi rendit Sylla ultra-populaire auprès du peuple. Et certains passages d'Appien parlent même d'adulation en ce qui concerne Sylla: ''Le peuple continua d'aduler Sylla''.

L'EXTENSION DU POMERIUM

Pendant sa dictature, Sylla agrandit le pomerium, les limites sacrées de la ville. Avant lui, seuls les rois de Rome avaient touché à l'enceinte sacrée édifiée par Romulus. Selon la loi, pour agrandir le pomerium, il fallait avoir agrandi l'empire romain en conquérant des territoires à l'ennemi. Or, le général Sylla n'avait fait aucune nouvelle conquête territoriale pendant ses années de guerre. ''Sylla fut le dernier qui agrandit l'enceinte de la ville, ce qui n'avait lieu chez nos ancêtres qu'après une conquête en Italie, non sur l'étranger. Du moins, vaut-il mieux savoir cela que d'apprendre, comme il l'affirmait, que le mont Aventin n'est pas compris dans nos murs pour l'un des deux motifs: ou parce que le peuple s'y retira jadis, ou parce que Remus, y consultant le vol des oiseaux, ne le trouva point favorable'', explique Sénèque. D'un autre côté, Sylla avait conclu un accord avec les Parthes en stipulant que la sphère d'influence romaine s'arrêtait à l'ouest de l'Euphrate et il avait agrandi l'Italie en créant la province de Gaule Cisalpine. Plus encore, comme les Italiques et les Latins étaient devenus maintenant des citoyens romains à part entière, cela revenait à dire que Rome avait acquis de nouveaux territoires en Italie. En bref, Rome avait agrandi ses frontières. Le dictateur concrétisa donc cet agrandissement du territoire romain en déplaçant symboliquement la limite sacrée de 100 pieds aux abords du Forum Boarium.

LA FETE D'HERCULE INVICTUS

Cet été là, Lucius Cornelius Sylla Felix voulut que tout Rome soit en fête afin de commémorer la prospérité retrouvée de l'Urbs après tant d'années de guerre. Il fit ainsi afficher une proclamation selon laquelle le jour de la fête d'Hercule Invictus, la veille des ides de Sextilis, soit la mi-août, il sacrifierait le dixième de sa fortune au dieu pour le remercier de ses succès et de sa protection pendant les diverses guerres qu'il a remporté. Le temple d'Hercule se dresse sur le Forum Boarium.

Hercule Invictus

Hercule est le dieu protecteur des marchands, des olives et du commerce. C'est sur ce forum que se déroulaient les principaux marchés de la ville. Les célébrations durèrent plusieurs jours, Sylla donnant à la population des banquets somptueux pour plus de 500 000 personnes! Sylla ''donna au peuple des festins magnifiques. Il y eut une telle abondance, ou plutôt une telle profusion de mets, que, chaque jour, on jetait dans le Tibre une quantité prodigieuse de viandes, et qu'on y servit du vin de quarante ans, et du plus vieux encore'', rapporte Plutarque.

PLUS AMERE SERA LA GLOIRE

Alors que Lucius Cornelius Sylla était au sommet de sa gloire populaire, sa vie familiale allait mal. Fin 82, Sylla perdit son fils Lucius… Cependant, pour Sénèque, la mort de son fils n'adoucit en rien le caractère de Sylla: ''Lucius Sylla perdit son fils; et cette perte n'arrêta ni le cours de ses guerres ni son indomptable ardeur à frapper ennemis et concitoyens''. Après la mort de son jeune fils, c'est sa belle-fille Aemilia Scaura, à peine mariée à Pompée, qui décéda au début de l'été en accouchant. Mais le décès d'Aemilia fut un nouveau coup rude pour sa mère, Metella, qui tomba gravement malade pendant les fêtes d'Hercule.

Une noble romaine

''Pendant sa maladie, les prêtres défendirent à Sylla de la voir, et de souiller sa maison par des funérailles. Il lui envoya donc un acte de divorce, et la fit transporter encore vivante dans une autre maison'', précise Plutarque. En effet, les cérémonies et réjouissances à l'égard des dieux ne devaient pas être troublées par la mort. Lucius Cornelius ne pu donc revoir sa femme, et fut en deuil alors que tout Rome était en fête grâce à lui. Sylla fut très touché par la mort de Metella. Pour son enterrement, il viola la loi somptuaire qu'il avait fait voter lui-même, et lui offrit de somptueuses funérailles…

LE SIEGE DE VOLATERRAE

A la fin de l'été, après les funérailles de Metella, Lucius Sylla quitta Rome pour retourner à la guerre et mettre le siège devant la ville de Volaterrae qui s'était à nouveau rebellée. En effet, le dictateur avait décidé d'installer plusieurs de ses vétérans dans cette cité et de la frapper d'une très lourde amende. En voyant arriver les vétérans de Sylla, et voyant qu'ils perdaient leurs droits, les habitants massacrèrent les anciens soldats et s'enfermèrent dans leurs murs prêts à soutenir un siège. Voyant qu'on osait encore lui résister, Sylla se déplaça lui-même à Volaterrae et surveilla le siège de la ville. En outre, quatre cohortes d'Etrusques et de proscrits se sont réfugiés dans la ville. Sylla fait donc voter par le Sénat la Lex de civitate Volaterranis adimenda, qui prive les habitants de Volaterrae du droit de cité et de leurs terres. Puis, il fit encore la tournée de ce qui restait de sédition en Italie. Sylla avait fait de Volaterrae son camp de base pour trois mois. Il rentra à Rome fin octobre pour célébrer les Jeux de la Victoire.

LES JEUX DE LA VICTOIRE

Avec les triomphes, le peuple romain avait aussi droit à des jeux. Ainsi la Lex Cornelia Sullae de Ludis Victoriae instituait des jeux annuels en commémoration de la victoire obtenue par Sylla sur les ennemis de la République à la Porte Colline. Ces jeux se déroulaient sur plusieurs jours, du 26 octobre au 1er novembre. Ces jeux étaient dédiés à Hercule, Vénus et Fortuna et étaient célébrés à Praeneste, là où se trouvait le plus grand temple dédié à la déesse de la Fortune. Ils étaient organisés par le préteur Sextus Nonius Sufenas, le neveu du dictateur et ils connurent un énorme succès.

Le temple de Praeneste

Un de ses jeux constituait en une course de chevaux, réservés aux jeunes de la noblesse. Plutarque nous raconte cet épisode dans la vie de Caton d'Utique. Caton ''était déjà si célèbre parmi les enfants de son âge, que Sylla voulant donner au peuple le spectacle de la course sacrée des enfants à cheval, que les Romains appellent Troie, et ayant rassemblé pour cela les enfants des meilleures maisons, afin de les dresser à cette course, il leur donna deux chefs, dont l'un fut agréé par tous ses camarades, à cause de Metella, sa mère, femme de Sylla; mais ils refusèrent l'autre, nommé Sextus, quoique neveu de Pompée, et déclarèrent qu'ils ne voulaient ni s'exercer sous lui ni le suivre. Sylla leur ayant demandé quel enfant ils voulaient donc avoir pour chef, ils demandèrent tous Caton. Sextus lui-même se retira, et céda cet honneur à Caton, comme au plus digne''. Ainsi, Marcus Aemilius Scaurus, son beau-fils, et Marcus Porcius Cato défendirent les couleurs de la noblesse.

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