''Il EGALERA LES DIEUX AVANT ET APRES SA MORT'' (prophétie parthe) LUCIUS CORNELIUS SULLA FELIX "JE FONDERAI UNE NOUVELLE ROME"
Les sources anciennes présentant Lucius Cornelius Sylla sous un jour favorable ont été effacées de l'Histoire. Il ne reste rien des manuscrits de Lucius Cornelius Sisenna, son meilleur biographe, ni des Annales de Gaius Claudius Quadrigarius, un de ses fidèles partisans. Censure délibérée? Mais au travers des textes restants et des romans, il se dessine de Sylla la figure d'un homme exceptionnel et plus que tout autre marqué par le Destin. Extraits des plus brillantes propagandes pro-Sylla. ''Il n'était jusqu'ici que le maître de Rome, Aujourd'hui l'univers le proclame un Grand Homme'' (Etienne de Jouy, Sylla) SYLLA SERAIT NE RICHE La pauvreté bien connue des Cornelius Sulla ne serait qu'une légende à lire François Hinard: ''Quant au père de Sylla, le cadet de la famille, il a vraisemblablement exercé un commandement en Asie; mais quand bien même il n'aurait pas quitté l'ordre équestre, son appartenance à cet ordre immédiatement ''inférieur'' à l'ordre sénatorial impliquait la possession d'un très solide capital''. SYLLA AURAIT FAIT SON SERVICE MILITAIRE Bien que Salluste nous précise que Sylla n'avait aucune expérience militaire avant d'être questeur, il serait impossible qu'un brillant général comme Sylla n'ait pas accompli son service militaire: ''Il avait dû accomplir les dix années de service militaire dans la cavalerie, préalable nécessaire à toute carrière'', précise encore François Hinard. Selon certains, comme le père de Sylla avait assez d'argent pour appartenir à l'ordre équestre, Sylla a pu accomplir son service militaire dans la cavalerie et même effectuer plusieurs campagnes, en Gaule Narbonnaise et en Dalmatie. Sylla serait donc loin d'être l'homme débauché et efféminé que tous les auteurs antiques décrivent. Ses relations avec Metrobios et Nicopolis? De l'anecdote (Il Figlio della fortuna). Rien ne doit venir se mettre en travers de Sylla et du destin de Rome… SYLLA EST TRES CULTIVE ''Les témoignages concordent à faire du jeune Sylla un personnage profondément imprégné et de la culture grecque et de la culture latine au point de rivaliser avec les érudits'', insiste encore François Hinard. Un avis partagé par Jérôme Carcopino: ''Ce militaire était doué de l'intelligence la plus déliée, nourrie par la plus vaste culture. Ce dissipé avait profondément médité sur les plus graves questions. Ce solitaire, que personne ne semble avoir jamais influencé, avait amassé des trésors d'expérience''. SYLLA DEVOUE SA VIE A ROME Une mission difficile? Des défis impossibles? Sylla est le premier à se porter volontaire pour toutes les missions suicidaires, euh, pardon, militaires ou diplomatiques! Capturer Jugurtha au risque de se faire tuer par son allié Bocchus? Sylla répond présent! Mettre au pas les Volsques Tectosages et capturer leur chef? Encore Sylla! Un traité avec les Marses? Toujours Sylla! Légat de Marius ou de Catulus dans la guerre contre les Cimbres et les Teutons? Sylla est sur tous les fronts! Un problème de ravitaillement ou de logistique: qui charge-t-on de ces missions? Sylla bien sûr! Lucius Cornelius est toujours le premier à se dévouer pour sa patrie. Comme tout vrai romain, Sylla plaçait le dévouement à Rome bien au-dessus de sa propre vie. Et chez lui, cette qualité était plus poussée que chez tous les autres soldats romains: ''Ils étaient fou de joie et ils n'avaient d'attention que pour moi. Ils me jetaient des fleurs, des pièces de monnaie et des couronnes de fleurs sous les sabots de mon cheval; en un instant je me retrouve entouré d'un océan de mains et de têtes qui me soulèvent en l'air. J'étais en extase. J'étais ivre de gloire, pris dans un immense délire de vanité: je me sentais l'unique homme au monde et en même temps, je ressentais la joie de chaque romain présent. Quelques uns criaient mon nom, d'autres celui de Rome dans un tonnerre assourdissant. Mes yeux dévoraient ce spectacle, mes oreilles avalaient à n'en plus finir ces acclamations et mon cœur s'abreuvait profondément de ces émotions. Si la foule m'avait finalement écrasé, je serais mort heureux; je ne pouvais rien réclamer d'autre à la vie, parce que l'amour de ma ville était pour moi l'émotion la plus sublime'' (Il figlio della fortuna) SYLLA EST UN HOMME COURAGEUX Sylla se bat en première ligne avec ses soldats, et même quand ceux-ci quittent le champ de bataille comme à Orchomène, Lucius Cornelius ne recule pas, lui: plutôt la mort que la défaite et le déshonneur. En montrant l'exemple d'un général courageux, Sylla savait que ses soldats lui seraient dévoués jusqu'à la mort. De même, Sylla appartenait à ces soldats qui lui avaient décerné la couronne d'herbe: ''Je n'avais jamais ressenti une telle exaltation. Je n'étais plus moi-même, j'étais Rome, je ne faisais plus qu'un avec ma cité et avec mes frères. Je voyais avec leurs yeux, j'entendais avec leurs oreilles, j'aimais avec leurs cœurs''(Silla Imperator). Et même Maxime-Valère, un de ses pires détracteurs, finit par avouer que Sylla est ''un homme que je qualifierais de brave''. Et Plutarque accorde à Sylla le prix du talent militaire et de la valeur. SYLLA EST UN GENIE Montesquieu reconnaît que Sylla est génial: ''J'ai pour moi le Sénat, avec la justice et les lois, le Sénat a pour lui mon génie, ma fortune et ma gloire''. Etienne de Jouy ensuite: ''Rome accepte le joug de ce puissant génie''. Alfred Mortier suivra: ''Ses victoires, ses excès, son pouvoir, sa politique, tout atteste la puissance de son génie''. Carcopino enchaîne: ''Le plus acharné de ses détracteurs subit la fascination de ses exploits et de son œuvre: Jugurtha capturé de sa main, les Marses soumit à ses armes, Mithridate maîtrisé par sa diplomatie et ses victoires, l'Italie relevée de sa décadence économique par les colonies de ses vétérans, et, pour la première fois, unifiée dans l'Etat romain''. Et pour François Hinard, Sylla est ''un stratège et un diplomate hors du commun''. Même Collen Mac Cullough finira par écrire dans Le Favori des dieux que ''Sylla est une merveille!'' SYLLA DOIT SAUVER ROME Le destin de Sylla, c'est de sauver Rome: de Jugurtha, des Cimbres et des Teutons, des démagogues, de Gaius Marius, des Italiques et de Mithridate. Rien que ça! ''Y a-t-il jamais eu un consul qui ait du affronter tant de mauvaises nouvelles? Le massacre de la province d'Asie, et maintenant un nouveau Saturninus! Mon pays est en faillite, je viens juste d'écraser une rébellion. Enfin, tout cela n'a pas d'importance tant que je peux y faire face'' (La couronne d'Herbe). SYLLA EST LE FAVORI DE LA FORTUNE C'est un euphémisme que de dire que Sylla est protégé par une chance incroyable, au point que lui-même a fini par prendre le surnom de Felix: ''Les marocains d'aujourd'hui diraient qu'il possédait leur baraka. Les sectateurs de Mithra qui peuplait les états de Mithridate auraient avoué qu'il était nimbé de leur hvarenô. En entendant son nom, les Romains durent admettre qu'il était irrévocablement marqué du sceau de la divinité et qu'ils ne s'affranchiraient pas plus de sa volonté qu'il ne pouvait échapper lui-même à la sublimité de son destin'' (Sylla ou la monarchie manquée). ON N'ASSASSINE PAS SYLLA C'est un fait, on a assassiné César et pas Sylla, alors que Lucius Cornelius avait bien plus d'ennemis que César: ''Il y avait chez Sylla quelque chose de menaçant qui fit taire tout le monde. Un pur Romain, qui avait la volonté d'un Caius Marius, la hauteur souveraine d'un Scaurus. Et personne, même pas Lucius Cassius, ne songea un instant à se débarrasser de lui comme on s'était débarrassé d'Aulus Sempronius. Ce n'était pas le genre d'homme qu'on pût songer à assassiner'' (La couronne d'Herbe). ''Julius César, infiniment moins déterminé et hardi que Sylla dans la répression judiciaire et politique, est tombé sous le poignard des conjurés. Cela tient à ce que le conquérant des Gaules n'avait pas la même foi dans son étoile, ni dans la protection des Dieux, que le vainqueur de Chéronée et d'Orchomène'' (Sylla et son destin). SYLLA DOIT SAUVER LA REPUBLIQUE Après avoir sauvé Rome de ses ennemis extérieurs, Sylla doit aussi sauver Rome de ses ennemis intérieurs: ''Vous appelez des crimes ce qui a fait le salut de la République'', justifie Montesquieu. Etienne de Jouy précise: ''Sauver la République était mon espérance, la ruine, l'exil furent ma récompense'' ; ''Je renversai l'Etat, mais pour le reconstruire''. La mort d'Ofella ? ''Un incident tragique'', selon Hinard. Le procès de Chrysogonus? ''Politiser une affaire qui n'avait aucune raison de l'être'', toujours selon Hinard. SYLLA FONDE UNE NOUVELLE ROME En agrandissant le pomerium, Sylla devenait le nouveau Romulus: ''C'était bien une Rome nouvelle que fondait Sylla, une Rome élargie par toutes les conquêtes réalisées au cours du siècle précédent et dont il convenait de prendre acte, mais aussi une Rome enrichie de presque toute la population de l'Italie et dont lui, avec les pouvoirs censoriaux qu'impliquait sa magistrature exceptionnelle avait achevé l'intégration'', explique François Hinard. SYLLA EST UN ESPRIT ELEVE Salluste est le premier à reconnaître que Sylla possède un ''esprit élevé''. Plutarque parle de sa grandeur d'âme: ''C'est, à mon gré, la plus belle action de Sylla, et le plus noble effet de sa grandeur d'âme, d'avoir sacrifié de la sorte à l'intérêt public son utilité personnelle''. Comme toujours, Sylla fait passer l'intérêt de Rome avant le sien. Sylla est le premier Imperator. Mais plus que le pouvoir, Lucius Cornelius possède surtout l'instinct de domination. Jérôme Carcopino le décrit ainsi: ''Féru d'orgueil et de domination, Sylla n'a vécu que pour vaincre et commander''. Cicéron tremble encore devant le pouvoir de Sylla: ''Il avait un tel pouvoir que, sans son consentement on ne pouvait conserver, soit sa propriété, ou sa liberté ou sa vie. Il avait un tel courage dans son audace, qu'il ne craignait pas de dire à l'assemblée publique, où il vendait les biens des citoyens romains, qu'il vendait son propre butin''. Mais c'est l'analyse de Giovanni Brizzi qui surpasse tous les autres commentaires: ''Sylla fut l'homme des valeurs traditionnelles, prêt à se retirer dès que son devoir fut accompli; il fut utopique et désintéressé''! SYLLA EST UN HOMME LIBRE Jérôme Carcopino nous dit que Sylla possédait ''une soif brulante de liberté et de commandement''. Etienne de Jouy s'intéresse à cette ''âme sombre et fière'' et à ses efforts pour rétablir une République en ruine et réveiller l'orgueil de romains passifs à leur propre destin: ''De quels crimes Sylla, punis-tu les Romains? - Du crime d'accepter les fers que je leur donne et d'oser espérer que Sylla leur pardonne''. Et de dresser un portrait court mais saisissant de justesse: ''Né pour les voluptés, je m'enchaîne au devoir. Je veux la liberté, je trouve le pouvoir. J'étouffe mes penchants, sensible, ardent, sincère. Je m'instruis à tromper, je deviens sanguinaire: la fortune m'absout!'' Plus encore, Sylla aurait dit aux Romains à la fin de son discours d'abdication: ''Haïssez le servage!'' Et le jour de sa théâtrale abdication, Etienne de Jouy lui rend toute son humanité dans un cri: ''J'ai vaincu, j'ai régné, maintenant je veux vivre!'' SYLLA EST UN DIEU Nouveau Romulus, Heureux, Sylla égala les Dieux le jour de son enterrement: "Il mourut tout puissant et ses funérailles furent encore un triomphe" atteste Jules Michelet. Jérôme Carcopino précise: ''Les funérailles de Sylla n'avaient point été accompagnées d'une cérémonie officielle de divinisation; mais la pluie providentielle qui attendit, pour tomber sur son bûcher, l'achèvement de son incinération, associa visiblement le ciel aux hommages humains qui lui étaient rendus et sa consacra sa divinité dans l'opinion populaire''. Plus encore, ses vétérans ''le mettaient au rang des dieux; après sa mort, un culte syllanien, d'allure demi-historique et guerrière, demi-religieuse, subsista, pendant une cinquantaine d'années, au milieu des vicissitudes qui suivirent. La clé de cette puissance et influence prolongées au-delà du tombeau, en dehors de toute progéniture, ce fut que cet homme météore, au ciel trouble de la politique, ne séparait point l'idée de l'acte et, concevant juste, appliquait rude'' (Sylla et son destin). LA GLOIRE IMMORTELLE DE SYLLA Etienne de Jouy insiste aussi sur la gloire immortelle de Sylla: ''C'était trop peu pour moi des lauriers de la guerre, je voulais une gloire et plus rare et plus chère''. En définitive, Sylla est victorieux de ses ennemis même par delà la mort: ''Leur haine ne saurait atteindre ma mémoire. J'ai mis entre eux et moi l'abîme de ma gloire''. Et si Jérôme Carcopino insiste encore sur ''la haine dont les survivants du parti de Marius ont poursuivi la mémoire de Sylla'', c'est Théodore Reinach qui nous livre l'une des meilleures épitaphes sur Sylla: ''Un fataliste, au risque de diminuer sa gloire devant la postérité, c'est au surnom d'Heureux qu'il attache le plus de prix. C'est qu'il connaissait assez intimement les hommes pour savoir que la Fortune trouve moins d'incrédules que le génie, parce qu'elle fait moins souffrir l'envie''. Lucius Cornelius Sulla n'a pas eu le temps d'achever ses Mémoires; il est mort avant. Néanmoins, ses actes parlaient pour lui: favori de la fortune, général courageux, invaincu sur un champ de bataille, dévoué à Rome corps et âme, nouveau Romulus, génie à l'esprit élevé, sauveur de Rome et de la République, Père de la Patrie, fondateur de la Rome impériale, etc. En définitive, ce n'était pas Sylla qui était Felix, mais bien Rome qui a eu la chance d'avoir Sylla pour la sauver. Tel est le mythe Felix… |