Sylla, couvert de sueur après sa course échevelée, reprit doucement sa respiration. Apparemment, ses poursuivants ne l'avait pas vu entrer. Qui aurait pu penser que le chef des optimates serait allé se réfugier droit dans la maison de son pire ennemi? Le calme du vestibule contrastait avec l'agitation du Forum. Un esclave, ayant entendu du bruit, vint voir ce qui se passait. En découvrant Lucius Sylla, ses yeux s'écarquillèrent de surprise, et il s'éloigna en hurlant: "Dominus!" D'autres esclaves accoururent et des murmures s'élevèrent. Un instant plus tard, Gaius Marius apparut. Le vieil homme avait encore pris du poids depuis qu'il s'était retiré des champs de bataille de la Guerre Sociale, mais il conservait toujours son allure rude et bourrue, et c'est à peine s'il fut surpris de voir le premier consul débarquer à l'improviste dans son entrée. Gaius Marius: Lucius Sulla!! s'exclama l'ancien général avec une lueur de triomphe dans le regard. Le premier consul nous fait enfin l'honneur de nous rendre visite! Marius s'approcha de Sylla, le prit par les épaules et l'entraina dans son salon. "Apportez-nous à boire" ordonna-t-il à ses esclaves. Les deux hommes s'installèrent confortablement. CM: Alors, qu'est-ce qui t'amènes dans mon humble demeure imperator? Sylla but avidement la coupe de vin et se resservit, heureux d'avoir pu échapper aux sbires de Sulpicius. Marius attendait patiemment sa réponse. LS (direct): Il y a eu une émeute sur le Forum provoquée par Sulpicius. Et je n'ai pas eu d'autre choix que de me jeter dans ta demeure pour avoir la vie sauve. Gaius Marius jubilait, un grand sourire aux lèvres. CM: Tu viens donc me demander asile? Marius se mit à rire franchement: le grand Lucius Sulla qui a vaincu plusieurs armées de terribles Samnites et qui s'enfuit devant une poignée de voyous! LS (vexé): Oh, tu peux rire tant que tu veux Marius, mais ce n'est pas drôle du tout. Le Sénat a été trahi. J'étais sûr qu'il n'y avait aucun homme armé sur le Forum, mais les partisans de Sulpicius s'étaient cachés au milieu de la foule avec des glaives. Un peu plus, et c'est le cadavre de deux consuls que l'on aurait retrouvé sur le Forum ce midi! Sulpicius ne respecte même plus la fonction consulaire! S'énerva Sylla en jetant violemment sa coupe de vin contre un mur. Les deux généraux face à face CM (subitement sombre): Il va pourtant te falloir céder à Sulpicius… LS (étonné): Tu n'y songes pas sérieusement Marius?! Si toi et moi sommes incapables de résister à un tribun de la plèbe alors c'en est fini de Rome! CM: Sulla, cesse donc de réagir comme un patricien borné! La guerre contre les Alliés a profondément bouleversée la donne politique. Les Gracques et Drusus voulaient régler les choses pacifiquement, mais tes semblables les ont assassinés, et cela a fini par nous donner deux ans de guerre et des milliers de morts. Et tout cela pour quoi? Pour que vous puissiez conserver vos privilèges égoïstes d'hommes se croyant supérieurs au reste du monde! LS (sarcastique): Je ne te savais pas aussi aigri Marius. Pourtant, tu y étais bien, avec nous, sur les champs de bataille pour la défendre, cette citoyenneté romaine que toute l'Italie voulait nous arracher! CM: Lucius Cornelius, les temps changent. Je n'ai pas voulu cette guerre et toi, tu as construit ta gloire sur les cadavres de ceux qui ont combattu à nos côtés contre Jugurtha et les Cimbres. LS (touché à vif): Parce que tu crois que ça m'a amusé d'aller faire la guerre à nos Alliés? Mais je suis Romain, et si on attaque Rome, c'est comme si on m'attaquait personnellement! Et là, je me montre impitoyable! Et certains Romains ont laissé leurs vies sur le champ de bataille pendant que d'autres restaient tranquillement à Rome pour éviter de se salir les mains! CM (menaçant): N'abuse pas de mon hospitalité consul. La cause que défend Sulpicius est juste. Les Italiens ont autant de droit que les Romains! Et je te rappelle que Mithridate a fait massacrer tous les Latins d'Asie. Tous les Latins Sulla! Ce qui veut dire que le Monde ne fait pas la différence entre un Romain et un Italien. Tu es le dernier à le faire, Sulla, le dernier! Il est grand temps que tu ouvres les yeux. LS (acculé): Il ne s'agit pas de discuter de la pleine citoyenneté romaine, mais de ne pas laisser un tribun de la plèbe diriger Rome. CM (amusé): Pour un général qui est pressé d'aller affronter Mithridate, voilà que tu te soucies de qui va diriger Rome en ton absence. Ta défense est pathétique consul. Tout cela parce que si tu accordes le plein droit de vote aux Italiens tu auras l'impression d'avoir finalement perdu "ta" Guerre Sociale. LS (énervé): Quand on t'a soupçonné d'être de mèche avec nos ennemis, je n'ai pas voulu le croire, mais je commence à penser que ces soupçons étaient bien fondés… Marius allait répondre quand Sulpicius et ses sbires firent irruption dans le salon. S: Où est-il? CM: Sulpicius! Nous t'attendions. LS (complètement pris au dépourvu): …??? CM (un sourire mauvais au coin des lèvres): A malin, malin et demi. Voir Sulpicius ici te laisse pour une fois sans voix, imperator. S: Nous te tenons enfin, espèce de lâche! Sylla se retrouva rapidement avec une dizaine de glaives pointés sur lui. Un des sbires de Sulpicius: Il nous aura fait courir sur tout le Forum celui-là! S: Ta chance a tourné on dirait, consul. Maintenant, tu vas gentiment nous accompagner sur le Forum pour que nous puissions reprendre la réunion. Tu vas révoquer tes ferie et nous allons mettre ma loi au vote. Tu présideras les comices jusqu'au bout, et tu assisteras à notre victoire. Si tu refuses, tu pourrais bien connaître le même sort que ton gendre… Sylla, depuis qu'il avait franchi le seuil de la domus de Marius, n'avait plus pensé aux combats qui se déroulaient sur le Forum. Un froid mortel l'envahit. Sulpicius enchaina brutalement: "Il est mort. Désolé… Mais tout est ta faute! Uniquement ta faute, Sulla! Si tu n'avais pas proclamé les ferie, il serait toujours en vie…" Le consul eut l'impression de recevoir un coup de poignard glacial en plein cœur. Par sa faute, sa fille se retrouvait veuve, ses petits-enfants orphelins et son collègue privé de son fils… à jamais. "Rester digne, ne jamais montrer ses faiblesses à ses ennemis, se montrer le plus fort, toujours", Sylla se remémorait ses premiers entraînements physiques lorsqu'il était enfant. Des larmes se mirent à couler le long de ses joues sans qu'il s'en aperçoive. Il avait failli, la situation lui avait complètement échappée et son gendre l'avait payé de sa vie, en voulant le protéger, lui… Son gendre avait sacrifié sa vie, pour lui… Mais, lui, il avait été incapable de protéger Rome et sa famille contre ses ennemis... Il ne méritait pas de vivre… "Ne jamais montré ses faiblesses…" L'imperator glissa de son siège, et s'effondra en sanglots devant Marius et Sulpicius. Les jeunes chevaliers qui accompagnaient le tribun de la plèbe furent surpris, mais ne rengainèrent pas leurs glaives pour autant et continuèrent à viser la gorge du consul. Sulpicius, en voyant Lucius Sulla complètement bouleversé et à genoux devant lui, fut décontenancé et il lança un regard interrogateur à Marius. Le vieux général eut une moue dégoutée. CM: Encore à te donner en spectacle, Sulla! Regarde-le, Publius. Regarde-le bien, le soit disant héros de la République: il n'a aucune dignité. Il s'empara d'un glaive et le pointa droit sur la gorge de Sylla. CM: Redresses-toi imperator! Ta comédie ne prend pas avec moi! Sylla restait à genoux, en état de choc, insensible à ce qui se passait autour de lui. Son beau-fils était mort par sa faute et le reste n'avait plus aucune importance… Marius appuya franchement la pointe du glaive contre sa jugulaire. CM (dur): Debout, consul! Sylla releva lentement la tête et revint durement à la réalité. Encore tremblant, il foudroya Marius d'un regard assassin. CM (impitoyable): Debout! Sylla se releva lentement, ne lâchant pas Marius du regard. Les deux hommes se retrouvèrent face à face et Marius consentit à baisser son glaive. CM: Voilà qui est beaucoup mieux… Maintenant, tu vas gentiment te rendre sur le Forum et faire ce que Sulpicius te demande. Sylla s'avança vers Marius. La dizaine de glaives toujours pointés sur lui arrêtèrent son mouvement. CM: Allons Sulla, si tu refuses, je crains que tu ne sortes pas vivant de chez moi... Marius jubilait de tenir enfin son adversaire à sa merci. Sylla continuait à soutenir son regard. LS (glacial): Je vais quand même refuser votre offre si généreuse… CM (riant): Allons Lucius, ne me dit tout de même pas que tu vas renoncer si facilement à aller faire ta guerre contre Mithridate! Si..? La victoire de Marius Sylla du se rendre à l'évidence: il avait perdu. Il allait devoir laisser le contrôle de Rome à Marius et à Sulpicius. Cette seule pensée lui donnait envie de vomir. LS: Et qu'est-ce qui se passera quand Sulpicius aura fait voter sa loi? Ce fut encore Marius qui répondit. CM: Mais rien d'autre que tu ne saches déjà consul: que ta République oligarchique est en train de vivre ses derniers jours. La répartition des Italiens dans les tribus va nous permettre d'enfin nous passer de l'avis du Sénat et de sa clientèle de citoyens… S:… Et désormais, c'est le peuple qui gouvernera! Sylla retrouva son acuité mentale. LS: Bien Publius! Tu veux laisser le peuple gouverner Rome? A ton aise! Et les tribuns de la plèbe auront désormais plus de pouvoir que les consuls dans votre nouvelle République? (sarcastique) Oh… je vois, tu n'as pas encore réfléchi à qui gouvernera: toi ou le tenancier de la taverne du carrefour? CM: Ne t'inquiètes pas pour Rome, Sulla. Tu auras bien d'autres choses à penser en Asie… S (menaçant): Si on le laisse sortir de Rome vivant… CM: Voyons Publius, laissons Sulla révoquer ses ferie et ensuite, nous l'accompagnerons gentiment à la Porta Capena. Cela fait des jours qu'il rabâche à tout le monde que la situation en Asie ne supporte aucun retard et que Rome doit intervenir immédiatement. D'un regard noir, Sylla acquiesça. Il allait révoquer les ferie et partir immédiatement pour Nola… LS: En effet Marius, des affaires urgentes me réclament à Nola… CM: Inutile de te préciser que ta présence n'est plus tolérable à Rome, imperator. LS (cynique): De toute façon, avant ce soir, Rome aura cessé d'être une république… Les glaives re-pointèrent instantanément vers sa gorge. CM (menaçant): Modère ton langage Sulla où un consul pourrait bien être assassiné avant la fin de la journée… Les sbires de Sulpicius raccompagnèrent Sylla vers la sortie. Le tribun de la plèbe resta pour parler avec Marius. S: Tu veux qu'on en finisse avec lui? CM: Non. Ce serait trop facile… Et puis, en le tuant, nous perdrions immédiatement notre crédit auprès du peuple. J'ai d'autres projets pour lui. Il m'a humilié publiquement en mettant sa statue en or au Capitole, et j'entends bien me venger au centuple… S (haussant les épaules): Comme tu voudras. Et pour Pompeius? CM: Tes hommes ont réussi à le rattraper? S: Non. Il est sans doute hors de Rome à l'heure qu'il est. Mais il va vouloir venger la mort de son fils… CM: Du moment qu'il est hors de Rome, nous n'avons rien à craindre pour le moment Sulpicius. Maintenant, retourne sur le Forum et va mettre ta loi au vote. C'est un grand jour! *** En sortant de la maison de Marius, Sylla pouvait entendre le tumulte du Forum. Un sbire de Sulpicius: Si tu tentes quoi que ce soit pour t'échapper ou ameuter le peuple, tu es un homme mort! Les jeunes chevaliers rengainèrent leurs glaives. Sylla découvrit des flaques de sang en s'avançant vers le Temple de Castor et Pollux. Il cherchait le cadavre de son beau-fils du regard, mais ses amis avaient déjà du enlever son corps. Plus un seul sénateur sur la place… Sylla était seul… Un tumulte accueillit son retour. L'imperator passa sans regarder personne. Le tumulte s'intensifia lorsque Sulpicius surgit derrière lui. S: Allons consul, va gentiment renfiler ta toge, que tu puisses aller révoquer tes fichus ferie! Humilié, bouillant intérieurement d'une rage féroce, Sylla se revêtit de ses atours consulaires et rembarra les chevaliers qui voulaient l'aider à s'habiller. Un instant après, il apparut devant le peuple sur les marches du temple avec Sulpicius à ses côtés. LS: Quirites! La voix harmonieuse de Sylla portait haut et loin. Je révoque officiellement les ferie! Son intervention provoqua une explosion de joie parmi les partisans de Sulpicius. Le chevalier Marcus Laetorius glissa sans se faire remarquer un poignard près des côtes de Sylla. Le consul comprit le message implicite et continua à parler. LS: Le tribun de la plèbe Sulpicius Rufus va donc pouvoir mettre son projet de loi au vote. La pression du poignard s'intensifia. LS: Je vais présider l'assemblée plébéienne pendant la durée du vote. Puis il se dirigea vers le puits des comices et un chevalier vint lui installer son siège curule. S: Vient donc plus près consul. Soit au premier rang pour assister à ta défaite. Sylla se retrouva assis en plein soleil, et il lança un regard noir à Sulpicius. Dans son dos, Laetorius cachait toujours son poignard, prêt à en finir avec lui s'il faisait le moindre signe de contestation. Du bord du puits, Sulpicius harangua la foule. S: Quirites! Aujourd'hui je vous propose de mettre en délibéré mon projet de loi sur la répartition des nouveaux citoyens italiens dans les 35 tribus de vote. C'est une loi juste et équitable! J'espère que votre verdict sera favorable. Le vote aux comices Le vote se déroula au chaud soleil de midi. L'un après l'autre, les citoyens, tous de la classe des chevaliers ou nouveaux citoyens, se rendirent au fond du puits déposer leurs tessons dans l'urne prévue à cet effet. Sulpicius était revenu auprès de Sylla. S: Comme c'est agréable d'entériner officiellement la défaite du Sénat et d'assister à la victoire du peuple, n'est-ce pas Sulla? LS (lucide): Quel peuple Sulpicius? Je ne vois ici que tes partisans! Laetorius accentua la pression du poignard sur la nuque du consul. S: Consul, que te voilà bien amer. Ah oui, je comprends: la victoire que tu as chèrement acquise sur les champs de bataille va être balayée en un seul vote. Sylla resta stoïque. Son objectif était maintenant de maîtriser ses nerfs suffisamment longtemps pour pouvoir sortir vivant de Rome. Le vote dura une bonne heure. Il fallut une autre bonne heure pour dépouiller les bulletins. En apparence, le vote était parfaitement légal et Sylla ne bougea pas de sa chaise curule. Le soleil brulant ne réchauffait pas pour autant le consul. Il était toujours en état de choc et son regard restait fixé sur les tâches de sang qui jonchaient les marches du Temple de Castor et Pollux. Combien de morts par ma faute? Combien? Puis il repensa à la traîtrise de Marius. Pompeius l'avait prévenu que Sulpicius s'était allié aux Italiens… Il avait sous-estimé le danger, pensant que son seul statut de consul et de vainqueur de la Guerre Sociale suffirait à calmer l'ardeur des riches chevaliers italiens… Mais ceux-ci avaient des ressources et ils avaient fini par trouver un allié assez puissant dans Rome capable de les aider: Gaius Marius… Les chevaliers romains se sont alliés aux chevaliers italiens… Pour défendre leurs intérêts, ils ont recruté Marius et Sulpicius... Sylla posa son regard sur les citoyens romains qui votaient. Tous des chevaliers.... Et il était là, impuissant, à assister à la ruine de la République... La colère froide qui le maintenait accroché à la réalité se transforma en une haine puissante et féroce contre tout l'ordre équestre. "Je les veux morts. Tous! Non, ce serait encore trop doux: je veux totalement les annihiler de l'Empire Romain!" Les sbires de Sulpicius annoncèrent le résultat: sa loi passait à la quasi-unanimité des voix. Un tumulte s'éleva du puits du comitium. La foule se précipita sur Sulpicius et le porta littéralement en triomphe. Les chevaliers se mirent à scander "Gracchus! Gracchus! Gracchus!" D'autres n'hésitèrent pas à prononcer le nom honni de Saturninus. De sa chaise curule, Sylla avait l'impression de vivre un cauchemar éveillé. Un des juges chargé de vérifier les élections annonça que la Lex Sulpicia de novorum civium libertinorumque suffragiis serait inscrite sur les tablettes. Sylla se leva enfin et prononça la fin de l'assemblée dans l'indifférence générale. Plus personne ne faisait attention à lui. Le pouvoir consulaire était complètement humilié. Il foudroya Laetorius d'un regard glacial. Celui-ci tendait toujours discrètement un poignard dans sa direction. Marcus Laetorius: Maintenant que Rome n'a plus besoin de consuls, nous t'invitons à bien vouloir quitter la ville dans les plus brefs délais. Un autre ajouta "Nous allons même t'accompagner vers la porte la plus proche". Sylla commença à regagner le Forum. Laetorius le retint. ML: Tu ne vas pas partir comme ça. Sylla lui lança un regard interrogateur ML: Il fait beaucoup trop chaud pour que tu quittes Rome ainsi vêtu. Enlève donc ta toge. Tu quitteras la ville sans rien. Sylla s'exécuta en méprisant son interlocuteur du regard. Laetorius l'attira dans un coin et lui fit enfiler une tenue du peuple. Personne ne devait savoir que le premier consul quittait la Ville le glaive sous la gorge. Une dizaine de chevaliers, armés de glaives dissimulés, lui firent traverser la moitié de la ville et l'accompagnèrent à la Porta Capena. Il faisait très chaud et les rues étaient quasiment désertes. Tout le monde avait eu vent que des meurtres s'étaient produits sur le Forum ce matin, et la plupart des gens s'étaient barricadés chez eux. Sylla espéra voir des sénateurs ou ses partisans, mais beaucoup devaient penser qu'il s'était déjà enfuit ou qu'il s'était refugié chez lui. Il avança sans rien dire, pressé de quitter la ville. Arrivé à la Porte qui menait directement à Capoue, on lui donna un cheval. Un des sbires de Sulpicius: cadeau du tribun de la plèbe afin de t'aider à quitter Rome plus rapidement. Sylla ne répondit rien. Il grimpa sur le dos de l'animal et partit au galop sans se retourner. L'imperator quitta la via appia dès qu'il fut hors de la vue des sbires de Sulpicius et traversa plusieurs champs au galop. Il se dirigeait vers sa villa de Tusculum. Le soleil commençait à baisser sur l'horizon. Sylla finit par descendre de son cheval lorsqu'il aperçut un cours d'eau. Il mourrait de soif après avoir passé des heures aux comices en pleine chaleur. Il passa un long moment à se désaltérer et à se rafraîchir. Il était toujours en état de choc et son esprit était engourdi depuis qu'il avait quitté le Forum. La fraicheur de l'eau le ranima. Soudainement, tout son corps fut saisi de spasmes impossibles à contrôler. Il vomit et éclata en sanglots irrépressibles. Il passa plus d'une heure à pleurer sur la mort du jeune Pompeius et sur son incapacité à garder le contrôle de la République. Il resta encore un très long moment assis prostré sous un arbre et ne se releva qu'une fois ses nerfs calmés, alors que le soleil lançait ses derniers rayons. Sylla remonta sur son cheval et pris la direction de la via latina. De la colline où il se trouvait, il pouvait voir Rome. Il s'arrêta pour la contempler et se remémora les paroles que Jugurtha lui avaient dites un jour: "Sulla, ta Rome n'est pas invincible. Un jour, il se trouvera quelqu'un pour l'acheter. Et ce jour-là, ce sera la fin de cette maudite ville!" Rome, ville à vendre! Les Italiens venaient de l'acheter à Sulpicius pour une bouchée de pain! Sylla se mit à trembler de rage en contemplant sa ville. Non, il n'allait pas la laisser aux mains de la chevalerie italienne. Le Sénat avait été bafoué, les consuls chassés. Et le responsable de ce chaos, de la chute de la République, c'était lui. C'était donc à lui de sauver sa ville, quitte à ce que toute une armée vienne la délivrer! L'imperator se figea et son regard se mit à flamboyer. Il savait désormais ce qu'il allait faire: il allait marcher sur Rome avec toutes ses légions. "Tremble Marius! Tremble! Parce que je n'aurais absolument aucune pitié pour toi et tes alliés". Puis il repartit au galop en direction de Tusculum. |