LES JEUX DE THEBES

Après la bataille, Sylla poursuit Archélaos avec une petite troupe, mais le général pontique réussit encore à s'échapper par la mer… Trois jours après la bataille, Sylla apprend la reddition de l'Acropole. En fait, les messagers s'étaient croisés: Curio allait apprendre à Sylla la reddition de l'Acropole, et Sylla envoyait un message à Curio annonçant sa victoire à Chéronée. Quant à Aristion et ses partisans, vaincus par la faim et surtout par la soif, ilsse sont finalement rendus. Aristion dut être cependant littéralement arraché du temple de Minerve où il s'était refugié. Cependant, ''à l'heure même que Curio emmenait le tyran de la citadelle, le ciel, auparavant serein, se couvrit tout à coup de nuages, et versa une pluie si abondante que la citadelle en fut remplie'', ajoute Plutarque.

L'heure du châtiment arrivait pour les partisans de Mithridate: ''Sylla, de retour dans l'Attique, enferma dans le Céramique les Athéniens qui s'étaient déclarés contre lui et, les ayant fait tirer au sort, en fit mourir un sur dix'', explique Pausanias. Ensuite, ''Sylla condamna à mort Aristion, ses gardes du corps, et tous ceux qui avaient exercé une autorité ou qui avaient fait n'importe quoi de contraire aux dispositions prises par les Romains après la première conquête de la Grèce par ceux-ci. Sylla pardonna aux autres et donna à tous presque les mêmes lois que celles précédemment établies par les Romains. Il retira environ quarante livres d'or et six cents livres d'argent de l'Acropole'', précise Appien. Aristion fut epargné pour le triomphe.

Fin avril, Sylla réorganisait la Grèce. Les Athéniens retrouvent leur liberté, leur territoire et leurs lois et il leur restitue Délos. Les revenus du territoire d'Orope étaient attribués au temple d'Amphiriaraos. Mais surtout, Sylla poursuivit encore les Thébains d'une ''haine implacable'' selon l'expression de Plutarque. Il leur en voulait toujours d'avoir préférer Mithridate au lieu de se joindre à lui immédiatement. La Grèce apprenait que le proconsul Lucius Cornelius Sylla ne pardonnait jamais une offense. Il ôta ainsi à Thèbes la moitié de son territoire pour les consacrer aux dieux Apollon et Jupiter. Les revenus de ces terres serviraient à l'avenir à rembourser l'argent qu'il avait emprunté aux divers temples grecs, Delphes, Olympie et Epidaure. De son côté, la ville d'Orchomène du céder sa célèbre statue, le Dionysos de Myron, célèbre pour sa statue du Discobole, à la ville de Thespsie, restée fidèle aux Romains.

Un spectacle musical

Pour fêter ses victoires, Sylla organisa des jeux de musique à Thèbes, et fit construire à cette occasion un théâtre près de la fontaine d'Œdipe. Il fit même venir des juges d'autres villes grecques pour distribuer les prix. Les jeux de Thèbes à peine terminés, Sylla apprit que Flaccus et ses légionnaires arrivaient en Grèce. Or, il n'était pas question pour le proconsul de voir cette armée aller faire la guerre à Mithridate. Il marcha donc à sa rencontre…

MITHRIDATE ORGANISE UNE SANGLANTE REPRESSION

Pendant que Sylla célébraient ses victoires à Thèbes, Archélaos n'était pas resté inactif. Avec ses navires, il ravagea les côtes de la Grèce, et alla mettre le siège devant Zacynthe, ville restée fidèle à Rome. Les Romains de la ville ne se laissèrent pas faire. Ils attaquèrent Archélaos de nuit et l'obligèrent à s'enfuir. Encore une fois vaincu, Archélaos retourna à son camp de Chalcis.

Quand Mithridate apprit la défaite de Chéronée, il fut tout d'abord étonné avant d'être frappé de terreur. Des Romains bien inférieur en nombre avaient littéralement massacré sa grande armée! Il fit recruter une nouvelle armée sur le champ et, en représailles, exerça sa fureur dans toute l'Asie. Il fit mettre à mort tous les tétrarques de Galatie avec leurs familles; seuls trois d'entre eux échappèrent à ce massacre. Puis il nomma le satrape Eumachos pour diriger cette nation. Cependant, les trois tétrarques survivants réussirent à mettre sur pied une petite armée en recrutant des soldats dans les campagnes. Les tétrarques parvinrent ainsi à expulser Eumachos et sa garnison.

Une drachme de Mithridate

De son côté, le général Zénobios se rend à Chios, obéissant aux ordres de Mithridate. Le roi du Pont était en effet décider à se venger de la ville car ses marins avaient accidentellement éperonné son navire lors de l'attaque ratée contre Rhodes. Zénobios réclama tout d'abord en otages les enfants des principales familles de la ville. Puis, il rassembla la population et leur lu cette lettre de Mithridate: ''Vous favorisez maintenant encore les Romains, et plusieurs de vos concitoyens séjournent toujours chez eux. Vous récoltez les revenus des biens romains au lieu de nous les donner. Votre trirème a heurté et secoué mon navire lors de la bataille devant Rhodes. J'ai volontairement imputé cet incident aux seuls pilotes, espérant que vous observeriez les règles de sécurité et resteriez mes sujets dociles. Vous avez maintenant envoyé en secret la fleur de votre noblesse chez Sylla et vous n'avez jamais signalé ni déclaré que cela s'était fait sans autorisation officielle. C'est comme si vous aviez coopéré avec eux. Bien que mes amis considèrent que ceux qui conspirent contre mon pouvoir et qui ont l'intention de conspirer contre ma personne, doivent être punis de mort, je vous condamne à une amende de deux mille talents'', retranscrit Appien. 2000 talents, soit l'équivalent de 36 millions de sesterces! Une somme impossible à réunir, si bien que tous les habitants furent amenés devant Mithridate, qui les déporta dans une lointaine province du Pont, la Colchide. Par chance, plusieurs navires furent capturés par Héraclée Pontique, qui ramena les habitants de Chios chez eux à la fin de la guerre.

Après Chios, Zénobios se rendit à Ephèse et demanda à la population de se réunir. Mais les habitants, prévenus de ce qui était arrivé à Chios et n'attendant aucune pitié de sa part, décidèrent de résister et de le tuer si possible. Puis, toute la ville se mit en état de siège. Tralles, Hypaipa et Metropolis suivirent son exemple. Mithridate, tenu informé du fait que les villes de Grèce commençaient à lui résister, et craignant que tout le pays ne fasse de même, changea de stratégie. Il accorda la liberté à toutes les villes grecques, proclama l'annulation de toutes les dettes, accorda le statut de citoyen et fit libérer tous les esclaves.

A l'automne, l'armée du consul Flaccus a fini par arriver tant bien que mal en Grèce, malgré des tempêtes et le harcèlement des Pontiques. Valerius Flaccus, depuis l'Epire, se mit en marche vers l'Attique afin d'aller reprendre à Sylla le commandement de l'armée. Flaccus arriva ainsi aux Thermopyles. De son côté, Sylla estimait que la Grèce était débarrassée des légions de Mithridate et qu'il avait donc le temps d'aller régler son compte à Flaccus et à l'armée populares. Sylla marcha donc droit sur Flaccus et Fimbria. L'Imperator arriva à Mélitée, au pied du mont Othrys, où il tomba sur l'avant-garde de Flaccus. Lorsque les soldats de l'armée populares apprirent l'arrivée de Sylla, nombreux sont ceux qui désertèrent pour aller rejoindre ses rangs. Il fallut toute l'autorité de Fimbria pour empêcher que toute l'armée ne déserte en faveur de Sylla. Flaccus décida donc d'éviter de rencontrer Sylla et de marcher droit sur le Pont en passant par la Thrace. Lucius Cornelius s'apprêtait à se lancer à sa poursuite lorsque de mauvaises nouvelles lui parvinrent de Béotie.

ORCHOMENE

Lorsque Sylla arriva près de Mélitée, ''il lui vint de tous côtés la nouvelle que le pays qu'il avait laissé derrière lui était mis à feu et à sang par une autre armée de Mithridate, aussi nombreuse que la première'', explique Plutarque. Mithridate avait envoyé une nouvelle armée, commandée cette fois par son ministre de la guerre Doryalos. Ce général arrivait avec 70 000 fantassins, bien équipés et bien entrainés, c'est-à-dire composé d'hommes de guerres, et pas d'esclaves affranchis comme en était composée l'armée d'Archélaos. A cela s'ajoutait 10 000 cavaliers et 70 chars équipés de faux. Doryalos débarqua à Chalcis afin de faire la jonction avec ce qui restait de l'armée d'Archélaos. En tout, près de 90 000 soldats se dirigèrent vers la Béotie et mirent à sac la région.

Doryalos ''montrait le plus grand désir d'attirer Sylla à une bataille. Archélaos eut beau vouloir l'en détourner, Dorylaos ne l'écouta point; il affectait même de faire courir le bruit que tant de milliers de combattants n'avaient pu être défaits sans quelque trahison. Sylla revint promptement sur ses pas, et convainquit bientôt ce général qu'Archélaos était un homme sage, qui connaissait par expérience la valeur des Romains. Dorylaos, en ayant fait l'essai dans quelques légères escarmouches qui eurent lieu près du mont Tilphossius, fut le premier à dire qu'il ne fallait point risquer de bataille, mais tirer la guerre en longueur et laisser les Romains se consumer eux-mêmes par leurs grandes dépenses'', relate Plutarque.

Doryalos alla donc installer son camp dans la plaine d'Orchomène, où sa cavalerie aurait l'avantage du terrain. Sylla alla donc camper avec ses légions près du camp des Pontiques, prêt à en découdre une nouvelle fois. Les généraux pontiques n'étaient pas d'accord entre eux. Dorylaos voyait que les Romains vivaient dans le luxe, avec ces fêtes et ces grosses distributions de soldes, et pensait que Sylla ne parviendrait pas bien longtemps à conserver ses légions en bon ordre. Archélaos lui, rêvait d'en finir avec le général romain. Et la plaine d'Orchomène lui semblait être le meilleur endroit pour déployer ses chars et sa puissante armée, trois fois supérieure en nombre aux 15 000 Romains. Toutefois, prudent, il resta retranché dans son camp avec sa nouvelle armée. Quant à Sylla, il commença à préparer le terrain pour livrer bataille.

La plaine d'Orchomène

Sylla fit creuser des tranchées de 3 mètres de large dans toute la plaine. Il voulait briser l'élan de la cavalerie asiatique, et surtout empêcher les chars de manœuvrer, pour repousser l'armée pontique vers les marais. Voyant cela, les Pontiques demandèrent à passer à l'attaque, et après l'accord de leurs généraux, ils sortirent en force et foncèrent sur les travailleurs romains et les dispersèrent. Sylla rejoignit immédiatement le terrain du combat, qu'il parcouru à cheval, tour à tour encourageant ou menaçant ses hommes. Mais la cavalerie pontique commença à mettre en fuite les légionnaires romains. Voyant cela, Sylla, dans un geste héroïque, s'avança en première ligne, sauta à bas de son cheval, saisit une enseigne de la légion et hurla à ses troupes: ''A moi Romains, la gloire de mourir ici! Vous, si l'on vous demande où vous avez abandonné votre général, souvenez-vous de répondre ''A Orchomène!'' A ces mots, soldats et officiers se retournèrent et, voyant leur chef seul, se précipitèrent pour l'aider. Puis les deux cohortes de l'aile droite vinrent l'aider et Sylla conduisit la contre-attaque en personne, si bien que les Asiatiques furent contraints de se replier.

Puis Sylla donna un peu de repos à ses soldats pour qu'ils puissent se restaurer, ensuite, il les renvoya à creuser les fossés. Les Asiatiques firent une nouvelle sortie, encore plus massive que la précédente. Cette fois-ci, l'armée romaine tint bon face à la charge de la cavalerie pontique. Et Diogène, le fils de la femme d'Archélaos, mourut en combattant vaillamment l'aile droite de Sylla. De son côté, l'Imperator se déplaçait au milieu de ses troupes pour les encourager et les féliciter. Les légionnaires parvinrent à enfoncer les lignes ennemies et foncèrent sur les archers. ''Leurs gens de traits, vivement pressés par les Romains, et n'ayant pas assez d'espace pour faire usage de leurs arcs, prenaient leurs flèches à pleines mains en guise d'épées, et en frappaient les Romains'', relate Plutarque. 15 000 Asiatiques, dont quasiment toute la cavalerie, laissèrent leur vie sur le champ de bataille ce jour-là. Ce qui restait de l'armée d'Archélaos parvint à se replier dans son camp.

Au coeur de la bataille

''Sylla, qui n'avait aucun vaisseau, craignait qu'Archélaos ne lui échappât encore et ne se réfugiât à Chalcis comme naguère. C'est pourquoi, la nuit, il posta des gardes par intervalles dans toute la plaine et le jour suivant, il encercla Archélaos avec un fossé à moins de six cents pieds de son camp pour l'empêcher de s'échapper. Alors, il fit appel à son armée pour terminer cette guerre puisque l'ennemi ne s'exposait même plus à résister, et ainsi, il les mena contre le camp d'Archélaos. Des scènes pareilles se passèrent chez l'ennemi. Un changement amené par la nécessité s'opéra. Les chefs se hâtaient çà et là, montrant l'imminence du danger et ridiculisant les hommes de ne pouvoir défendre leur camp contre des assaillants inférieurs en nombre. Il y eut de chaque côté une grande précipitation et des cris: c'était un concours d'exploits de part et d'autre. Les Romains, protégés par leurs boucliers, démolissaient une saillie du camp quand les Barbares sautèrent du parapet à l'intérieur, et prirent position autour de ce saillant, épées dégainées, pour arrêter les envahisseurs. Personne n'osa entrer jusqu'à ce que le tribun militaire, Basillus, sautât le premier et tuât l'homme qui se trouvait devant lui. Puis l'armée entière le suivit. Il s'ensuivit la fuite et le carnage des Barbares. Certains furent capturés et d'autres repoussés dans le lac voisin, ne sachant pas nager, périrent tout en suppliant en leur langue barbare qu'on leur laissât la vie sauve, ce que ne comprenaient pas leurs tueurs. Archélaos se cacha dans un marais où il trouva un petit navire dans lequel il rejoignit Chalcis'', raconte Appien. Près de 35 000 asiatiques furent-ils tués ce jour-là. 25 000 prisonniers furent vendus comme esclaves.

A l'issue de cette bataille, Sylla fut une nouvelle fois acclamé Imperator. Suite à son acte de bravoure de la veille, cet honneur lui était largement mérité. Sa petite armée, bien inférieure en nombre, était venue à bout des deux meilleures armées de Mithridate. Lui-même ne manqua pas de distribuer les récompenses à ses soldats les plus méritants, notamment à Basillus. Ensuite, comme pour remercier ses troupes, il mit à sac la Béotie, et les villes de Halées, Larymna et Anthédon, sous le prétexte que cette région passait son temps à changer de camp. Puis, il alla en Thessalie installer ses quartiers d'hiver, et attendit impatiemment le retour de Lucullus. Comme il n'avait aucune nouvelle de lui, il commença à construire ses propres navires.

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