An de Rome 655 (-99): Voyant que la période des guerres contre Rome est terminée, Sylla reporte désormais ses ambitions vers la politique. Il allait avoir 40 ans, soit l'âge pour être élu préteur. Il décida donc de postuler directement pour la préture urbaine sans passer par l'édilité, étape pourtant préalable, mais non obligatoire du cursus honorum. En effet, les édiles, qui doivent avoir 37 ans au minimum, sont au nombre de 4 à Rome. Leur tâche consiste principalement à organiser des jeux -toujours ruineux car l'édile payait de son denier personnel - et à s'occuper de l'entretien des rues, des temples, etc. Les préteurs sont au nombre de 6. Du point de vue du prestige, un prêteur a le droit de porter la toge prétexte et de s'asseoir sur la chaise curule. Il est en outre assisté par deux licteurs à Rome et six en dehors du pomerium. Le préteur urbain, le plus important, est chargé de superviser les ludi apollinares, les jeux en l'honneur d'Apollon, mais aussi de remplacer les consuls si ceux-ci doivent s'absenter de Rome. Les préteurs doivent aussi faire des sacrifices, organiser la justice, veiller aux distributions, etc. Du point de vue militaire, le préteur peut recruter une armée et exercer un commandement sans dépendre d'un supérieur.

Le dieu grec Apollon

Mais soit Sylla a surestimé la popularité qu'il pensait avoir acquise avec ses succès militaires, soit il avait sous-estimé l'influence dont disposait encore Marius et ses partisans, car il échoue à se faire élire préteur! L'échec est humiliant pour lui et dans ses Mémoires, il cherchait encore une explication à sa défaite. Selon lui, les électeurs voulaient le contraindre à se faire élire édile de manière à ce qu'il organise des jeux car, étant ami avec le roi Bocchus, celui-ci n'aurait pas manqué de lui envoyer des fauves, alors en vogue dans les jeux du cirque, mais très rares, pour agrémenter le spectacle… Cependant, comme le dit Plutarque, ''il paraît avoir dissimulé la véritable cause de ce refus''. Il ne faut pas chercher bien loin pour la trouver: ''Sylla s'était fait de ses différends avec Marius un titre pour avancer dans la politique'', explique le même Plutarque. Marius ne supporta pas que Sylla utilise cet argument dans sa campagne électorale. Il chercha donc à se venger de Sylla en l'empêchant de se faire élire, sans doute en utilisant ses propres deniers afin de payer les électeurs pour qu'ils ne votent pas pour Sylla. En outre, il fit circuler des rumeurs sur l'origine de sa fortune, venant de l'héritage d'une prostituée, mais aussi sur le fait que derrière le brillant légat se dissimulait un véritable débauché… De son côté, Sylla pensait avoir une cote de popularité assez forte pour passer au-dessus des manœuvres de Marius et de ses alliés, et sans doute, ne dépensa-t-il pas beaucoup d'argent pour sa campagne. Il s'était trompé… Il allait devoir se montrer plus perspicace et surtout dépenser beaucoup plus d'argent s'il voulait se faire élire…

Marius-Sylla: la course à la gloire

A l'automne, un tribun vota le retour d'exil de Metellus Numidicus, ce qui déplut fort à Marius, d'autant plus que le peuple ratifia la loi. Marius n'avait plus d'autre choix que de s'éloigner de Rome pour quelques temps. Il prétexta un pèlerinage à rendre à la grande Déesse Mère, qui se trouvait en Cappadoce. C'était un voyage d'ordre privé, mais Marius avait un but avoué: aller provoquer Mithridate. ''Il espérait qu'en irritant les rois de l'Asie, et surtout Mithridate, qui paraissait assez porté de lui-même à faire la guerre, les Romains le nommeraient sur-le-champ pour combattre contre ce prince; que bientôt il remplirait Rome de nouveaux triomphes, et sa maison des dépouilles du Pont et des trésors de Mithridate. Aussi tous les témoignages d'honneur et d'estime que ce prince lui prodigua ne purent rien gagner sur Marius, qui, inflexible dans ses résolutions, lui dit avec dureté: '' Prince, ou essayez de devenir plus puissant que les Romains, ou faites sans rien dire ce qu'ils vous commandent''. Ces paroles étonnèrent Mithridate, qui avait souvent entendu parler de la liberté du langage romain, mais qui ne l'avait pas encore éprouvée'', explique Plutarque.

An de Rome 656 (-98): Marius intriguant au loin, Sylla pouvait désormais se faire élire préteur urbain sans farouche opposition. Néanmoins, Sylla du engager une bonne partie de sa fortune pour se faire élire, et il demanda aussi beaucoup d'or à Bocchus afin de financer sa nouvelle campagne électorale. Sylla distribua donc argent et promesses, travailla à devenir populaire auprès de la plèbe, offrit quelques banquets et s'engagea à offrir des jeux somptueux si on l'élisait préteur urbain. Il est probable qu'il dépensa au minimum un million de sesterces pour faire oublier sa réputation de débauché et se défaire de ses derniers liens avec Marius, en s'affichant de plus en plus souvent avec Metellus Numidicus. Aurait-il réussi sans le soutien financier de Bocchus? Cette fois-ci, Sylla parvient à se faire préteur urbain sans difficulté. Peut-être vers cette époque, Sylla épousa sa troisième femme, Cloelia Sicula.

An de Rome 657 (-97): Préteur urbain, Sylla s'occupa aussi de l'organisation de la justice, une tâche qu'il devait particulièrement apprécié. Aurelius Victor dit qu'''il rendit bonne justice aux citoyens''. Un bémol à signaler au cours de cette année: un différent avec Gaius Julius César. ''Pendant qu'il exerçait la préture, ayant dit en colère à César: ''J'userai contre toi du droit de ma charge, - Tu as raison, lui répondit César en riant, de dire ta charge; elle est bien à toi, puisque tu l'as achetée''. Preuve que du côté de la famille de Marius, on n'avait visiblement guère apprécié de voir Sylla accéder à la préture…

Gaius Julius César

A l'été, Sylla doit superviser l'organisation des ludi Appolinares, jeux qui justement, ont été institués par son ancêtre Publius 115 ans auparavant. Autant dire que Lucius Cornelius Sylla organisa des jeux exceptionnels, le 13 juillet dans le Circus maximus, puisque Bocchus lui envoya 100 lions! C'était un véritable événement car ces lions évoluaient dans l'arène sans être enchaînés, et Bocchus avait lui-même fourni les archers qui devaient les tuer.

Les lions sont lâchés dans l'arène

On parla de ces jeux pendant très longtemps. La préture de Sylla fut donc une totale réussite. Il pouvait donc maintenant partir dans une province exercer sa propréture. Pendant ce temps, Gaius Marius, rentré de son pèlerinage en Orient, se fait bâtir une nouvelle maison près du Forum, afin qu'on ne l'oublie pas…

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